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« Et toi, tu fais quoi, du coup ? Finis-je par demander, maladroitement, en me trémoussant sur ma banquette.

Nos jambes entrèrent en contact sous la table. Je me figeai, un peu gênée, mais il ne bougea pas la sienne d'un centimètre.

« Je suis en L3 d'éco. Ca va, c'est pas mal... Et je dessine pour un petit magazine à l'occasion. Très chouette. Mal payé, mais bon, c'est pas pour l'argent que je le fais. »

Alessio avait toujours aimé lire des mangas et dessiner des tas de trucs. Je n'avais pas oublié ce détail.

Sur la table, en mode silencieux, le téléphone d'Alessio s'illuminait très souvent, bardé de notifications. Je jetai un coup d'œil en biais à l'écran. Le prénom de « Viola » semblait revenir régulièrement. Bah, une fille. J'en étais sûre !

« C'est pas bien de regarder le portable des gens, dit Alessio, faussement moralisateur, et il retourna son téléphone face contre la table. Tu ne m'as pas dit si moi, j'avais changé ? »

Je l'observai, presque tristement. Bien sûr qu'il avait changé. Mon impression de la veille, quand on s'était parlé fugacement au boulot, se confirmait bel et bien. C'était bien Alessio, mais un Alessio plus sûr de lui, certainement plus mature aussi. Par contre, le trouble qu'il m'inspirait était toujours le même, sinon pire encore, et comment dire ? Ca ne me réjouissait pas tellement...

« Ouais, reconnus-je donc. On peut dire que tu as bien grandi.

─ Aha, merci ! Tu te souviens de la fois où ma mère t'a surprise à boire des bières avec un pote à toi ? »

Je pouffai. Je ne m'en souvenais que trop bien. J'avais eu une frousse bleue de me faire virer. Nous parlâmes un moment de ces sessions de cours du passé, en riant. L'atmosphère était à la détente, et je me sentais plutôt bien.

« Comment va ta mère, au fait ? Et ton père ? Finis-je par demander.

─ Ca va. Mais ton père voit encore le mien, des fois, non ?

─ Je sais pas, je lui demande pas trop ce qu'il fait avec ses copains. J'ai entendu quand tu as eu ton bac, et puis une fois, je crois que tu étais malade...

─ J'avais la mononucléose, reconnut Alessio, l'air de se moquer de lui-même. Quelle merde ce truc ! T'as la force de rien. Je suis resté cloué au lit pendant un mois. Marrant que ton père te l'ai dit.

─ J'aurais préféré ne pas savoir, en fait... »

Ca m'avait échappé. Mais en effet, en ce temps là, ça faisait plus d'une année qu'on ne se parlait plus, et entendre son nom de temps en temps me faisait l'effet d'une douche froide. Papa avait fini par comprendre que quelque chose s'était passé entre Alessio et moi et avait lâché le sujet. En plus, je m'étais inquiétée pour lui. La belle affaire, on ne se parlait plus du tout.

« Moi aussi j'ai entendu parler de toi, vite fait. Mais ça me faisait un peu plaisir, au fond. J'étais vachement amoureux encore en ce temps-là » dit-il en riant.

Je le regardai avec surprise. « Et maintenant ? » faillis-je demander. Je m'en gardai bien, cependant. La page était clairement tournée, ça sautait aux yeux. C'était... une bonne chose. Mais ça me fit quand même mal de faire ce constat.

« J'étais là, poursuivit Alessio, et il mit la main au dessus de son verre.

─ Ah oui, tu es sûr ? Fis-je, me moquant gentiment.

─ Bon, plutôt là, reconnut-il en riant encore plus, et il éleva la paume jusqu'à son nez.

─ Ca me parait plus juste », le taquinai-je de plus belle.

En réalité, je n'en menais pas large. Le revoir me faisait réaliser que quelque part, cette époque où je l'aidais pour ses cours de sciences me manquait beaucoup. Pas mal d'eau avait coulé sous les ponts depuis. Il avait tort. Je n'étais plus la même du tout. En tout cas, à l'intérieur, tout était différent aujourd'hui.

« Bah, tu sais, j'étais jeune et impressionnable », déclara Alessio en me faisant un clin d'œil malicieux.

Je ris.

« Et moi j'étais vieille et impressionnante, c'est ça ?

─ Oh, tu l'es toujours. La différence, c'est que ça ne me fait plus rien ».

J'eus l'impression qu'il venait de me gifler.

Victoire par KO incontestable.



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Hahaha... même moi j'ai eu mal quand il lui a balancé ça xD

Allez, je vous laisse ici. Je sais, ça fait beaucoup. Sorry. Leur rendez-vous ne fait pourtant pas aussi long sur mon traitement de texte !

A bientôt ; )

L'heure bleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant