L'heure bleue

30

« Je te demande pas une chose pareille, Alessio. »

Je mentais. C'était précisément ce que je lui demandais. S'il pouvait se comporter comme ça, je serais tout à fait rassurée sur ce qu'il ressentait aujourd'hui à mon égard. Mais bon...

« Tu n'as pas intérêt, fais-moi confiance là-dessus. Figure-toi que je préfère cavaler après la moitié des filles présentes dans cette cafétéria plutôt qu'après toi. Et plutôt deux fois qu'une.

─ J'ai compris. »

Il me regardait fixement. Envolé l'humour. Je ne savais plus où me mettre.

« C'est ce que j'ai voulu dire dans ce message à la con que je t'ai envoyé. Honnêtement, je fais tout ce que je peux pour ne pas t'approcher. Je vois bien que tu me veux quelque chose. Mais... t'es tellement... compliquée, Daniela. Tellement difficile. Sans la moindre hésitation, t'es la fille la plus chiante que je connaisse !

─ Merci du compliment », râlai-je.

J'avais toujours aimé mon prénom dans sa bouche, mais franchement pas quand il prenait ce ton-là. Chaque fois qu'il utilisait mon prénom en entier, c'était soit pour me dire un truc sérieux, soit désagréable. Parfois les deux en même temps, alors...

« Tu plisses le nez ! » Me jeta-t-il tout à coup, la voix presque amusée.

Je portai aussitôt la main à mon museau, mortifiée. Çà le fit rire, cet idiot.

« Dani, je te trouve grave sexy. »

Ah. Voilà que j'avais chaud, tout à coup. J'avais l'habitude de m'entendre dire que j'étais sexy et ce plus souvent qu'à mon tour, mais c'était autrement différent quand ça venait de lui, sans que je sache bien pourquoi. Un picotement me parcourut des pieds à la tête alors que je soutenais son regard. Il déglutit ; je vis sa pomme d'Adam descendre puis remonter.

« Putain, ce que t'es belle. Chaque fois ça m'achève. »

Mais qui avait monté le chauffage à ce point ? J'avais très très chaud.

« Tu m'intéresses, mais... tu ne m'intéresses pas, reprit Alessio d'une voix égale. Tu te bloques toute seule. Pire encore, tu nous bloques tous les deux avec toi. »

Nom de Dieu. J'avais voulu une discussion, je l'avais. Il n'enrobait pas de sucre. Duh !

« D'accord, fis-je, et je croisai les bras sur ma poitrine. N'en parlons plus alors.

─ J'ai pas fini. Je te connais. Je sais très bien que si je fais un pas vers toi, tu vas t'enfuir en courant. En gros, je ne te fais pas confiance. »

Je ne trouvai rien à répondre, mal à l'aise. Bon, il n'avait pas tout à fait tort. Je le désirais, mais il était également vrai qu'il me terrifiait. Ce pouvoir qu'il avait sur moi... C'était un drôle de mélange.

« C'est pour ça que je ne tente rien avec toi. Et accessoirement, que je suis jaloux de tous les autres types qui t'approchent et qui eux, peuvent vivre quelque chose avec toi. Je sais pas ce que je t'ai fait pour te faire peur à ce point mais... je vois bien que tu te protèges de moi.

─ C'est juste que tu me fais tellement penser à Rubén..., marmonnai-je avec réticence, plus pour moi que pour lui. Je ressens la même chose que je ressentais avec lui quand je suis avec toi. Ca me perturbe. Et ça me fait flipper. »

Alessio parut décontenancé.

« Hein ? Je te fais penser à qui ? »

Je ne répondis pas. Je ne me sentais pas à l'aise à lui parler de Rubén là, comme ça, sans préparation. Le moment n'était pas venu. Alessio fronça les sourcils. Il n'était pas idiot. Il savait qu'il s'agissait de quelque chose de capital, et il avait également compris que je n'allais probablement rien dire de plus. Il y eut encore un petit silence.