L'heure bleue

40

« Fais-moi un suçon », m'entendis-je lui ordonner, à ma grande surprise.

A vrai dire j'en crevais d'envie. Avant de le revoir je ne savais même pas que ça pouvait me plaire à ce point. Je tirai impatiemment sur le col de sa chemise.

« Non, pas ça. Ton père le verrait.

─ Je détacherai mes cheveux, il verra rien du tout. Et puis même, tu peux m'en faire ailleurs que dans le cou, hum ?

─ Je t'en ferai où tu voudras la prochaine fois qu'on sera seul... si t'es sage. »

Ce disant, il alla poser le nez dans mon décolleté, pile entre mes seins, sur le petit nœud qui ornait mon soutien-gorge. Je l'entendis inspirer mon odeur et me cambrai instinctivement. Je plongeai la main dans ses cheveux châtains, plus pour m'agripper à lui qu'autre chose.

« Hmmm, tu sens tellement bon... Chaque fois que je te voie je te veux. Y'a que toi qui me fais cet effet-là. Rappelle-toi ce que je t'ai dit.

─ Que j'étais la plus jolie fille sur Terre ? » Bafouillai-je, au bout de ma vie.

Je sentis nettement sa poitrine vibrer contre la mienne lorsqu'un petit rire en monta soudain. Alors qu'il se redressait, j'enroulai la jambe autour de sa taille pour le retenir.

« Je t'ai dit que je te baiserai dans mon lit et pas ailleurs. Patience. »

Sur quoi, il planta une bise sur ma joue et je le sentis s'écarter de moi.

Putain...

Alessio tira malicieusement la langue face à mon air dépité.

« Je suis le seul à penser à ton père ici ?

─ Roh, c'est bon, il a l'air bien occupé en haut, à discuter avec le tien... T'abuses, me chauffer comme ça...

─ Meuh nan j'abuse pas ! Je t'ai à peine touchée. »

Je me mordis la lèvre, aux affres de la frustration.

Diantre, j'étais morte de faim. J'avais faim de lui. Avant Raphaël je n'avais rien fait avec un mec depuis huit mois, et depuis Raphaël... rien, QUE DALLE. Et pendant ce temps le bel Alessio flirtait avec mes nerfs. Quelle douce torture. J'étais au bord de la syncope alors qu'il m'avait même pas embrassée, cet imbécile.

Mes propres réactions me déroutaient. « Dani, ressaisis-toi. T'es mal barrée sinon » me dis-je. Pensée tout à fait déplaisante s'il en était.

Ben oui. Si j'étais dans cet état maintenant... je m'inquiétais un peu de la suite.

Puis subitement, le mot " Havre " m'interpella. Mon attention fut attirée par la télé. A l'écran, il y avait un reportage pour le journal de 20 heures. On y voyait des images de la ville portuaire.

« Oh, marrant, j'y vais bientôt ! » Lançai-je sans réfléchir.

Oups. Ah merde. La gaffe ! Ça m'avait échappé. Alessio se tourna vers moi, l'air surpris.

« Tu vas où ? »

La suspicion suivit aussitôt lorsqu'il découvrit ma mine contrite.

« Laisse-moi reformuler ma question. Tu vas où et surtout avec qui ?

─ Oh, heu, nulle part avec personne...

─ Dani ?

─ Ouais bon. Je vais au Havre avec Raphaël... heu on va juste passer le week-end chez un ami à lui, à la mer.