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La fille

 La fille haletait, la bouche ouverte, incapable de respirer correctement.

« Tu sais j'aurais tellement aimé que ça se passe différemment entre nous... déjà, y'a trois ans. Et pourtant c'est pas faute d'avoir essayé. »

Le garçon ne la regardait plus. A son tour, la fille baissa les yeux sur ses poings, toujours posés sur ses genoux. Ils tremblaient de plus en plus fort.

« Co... comment tu peux me dire ça...

─ Parce que c'est terminé alors maintenant, j'ai pas besoin de me protéger de toi. »

  En observant plus attentivement le garçon, la fille constata avec stupeur que son poignet était vide. Nulle trace de ce bracelet gravé qu'elle haïssait. Cela lui fit l'effet d'un saut d'eau qu'on lui aurait jeté à la figure. Il l'avait retiré à un moment donné, probablement entre leur dispute survenue deux jours plus tôt et aujourd'hui.

Pas de bracelet, plus besoin de douter.

 Un froid intense commença à la gagner ; elle se mit à grelotter, assise sur son bout de banc. Elle s'entoura de ses bras.

« Je m'attendais à ce qu'un truc comme ça se produise, poursuivait le garçon lentement, perdu dans ses propres pensées. Je voulais pas trop m'engager j'imagine... pour me protéger. Et je voulais pas trop te donner. Pas comme la dernière fois, en tout cas, où il me restait plus rien quand t'es partie. Et puis... la raison la plus importante je pense, c'est que je me méfiais de toi. La première fois que je t'ai dit que je t'aimais, t'es partie. Je sais pas, j'avais peur de te le dire et que tu paniques ensuite, et que tu partes encore, et que tu me refasses mal... vraiment mal.

─ Mais alors c'était voué à l'échec depuis le début, si toi-même tu... tu n'y croyais pas.

─ Je pense que t'y croyais pas davantage. Sinon... tu aurais essayé un peu plus, tu crois pas ? Tu m'aurais parlé un peu plus ? »

Il y eut un silence. Elle était figée sur ce banc. Elle ne ressentait plus rien.

« Rassure-toi, reprit le garçon, je te dis pas ça à la légère. Je ne vais plus te contacter. Du tout. On va plus se voir. Si nos pères veulent se passer des trucs, je les laisserai se débrouiller, et je te conseille d'en faire autant. »

Voilà que la panique montait, montait, insidieuse, oppressante, dans la poitrine de la fille.

Non ! Il fallait qu'il l'écoute. Elle réunit tout son courage. Se mit à bégayer.

« Mais A... A... Alessio... attends, je v... v... voulais pas... enfin je... écoute, je... je t'aime... Putain mais je t'aime depuis si longtemps, je... je suis désolée. Je suis tellement désolée. »

Il la regarda si tristement que son cœur - ce qu'il en restait - manqua un battement.

« Je sais pas si tu m'aimes, Dani. Je pense que tu aimes toujours Rubén et que tu tiens à moi parce que je te fais penser à lui.

─ Non ! protesta la fille dans un cri strident. Je t'aime ! Je t'aime vraiment. Tu peux pas me retirer ça. T'as pas le droit. Ça n'a rien à voir avec Rubén. Je suis tombée amoureuse de toi, c'est tout. C'est à moi. C'est à moi.

─ Si tu veux. Mais Dani... avant de m'aimer, je t'en supplie, aimes-toi, toi. Je crois que c'est parce que tu veux pas prendre soin de toi qu'on en est là. Franchement dans ces conditions, moi j'ai pas besoin que tu me dises que tu m'aimes. »

La fille en resta bouche bée. Il était si lointain, si sûr de lui, si catégorique.

« D'autant que ça change rien pour toi, n'est-ce pas ? Que tu m'aimes ou pas, ça t'aide pas à pouvoir avoir une relation normale avec moi. La preuve : tu faisais ta vie de ton côté sans même m'en parler. »

L'heure bleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant