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    Je me gelais les fesses sur ce siège en pierre. Je commençais à regretter de ne pas avoir mis un pull plus chaud que celui-ci.

Assise juste à côté de moi, Soraya venait de porter une cigarette à ses lèvres et cherchait son briquet dans son sac à main.

« Ça va ? Me demanda-t-elle. T'arrêtes pas de gigoter.

─ J'ai froid. »

« Et niveau moral, j'ai connu mieux » ajoutai-je en pensée.

19 heures 30, vendredi soir, dans un parc quasi désert. On regardait Paul, Alessio, Jules et Damien jouer au basket en bas des gradins. Jules était l'ami barman de Paul, le type sur lequel Soraya avait eu des vues le soir du concert. Elle m'avait proposé de boire un verre avec elle avant d'aller le rejoindre pour leur soirée. J'avais accepté car franchement je n'avais rien de mieux à faire ce soir-là. A l'origine, j'avais prévu de finir un roman et de me faire couler un bain, mais si j'avais su que j'allais croiser Alessio, je pense que je ne serais pas venue. Emmitouflée dans mon écharpe, je regardais Alessio jouer. Il m'avait à peine saluée lorsque j'étais arrivée, trente minutes plus tôt. A peine saluée, à peine regardée. Je le sentais très froid, carrément distant, et je ne comprenais pas bien pourquoi. Est-ce qu'il m'en voulait encore à cause de mon apparition avec Raphaël, au bowling ? Apparemment, il n'avait pas encore digéré l'information. Etant moi-même un peu fâchée, on ne pouvait pas dire que le courant était bien passé. Les autres avaient remarqué nos échanges glacés, mais personne n'avait fait de commentaire.

Je vis Jules feinter Damien et tirer. La balle rebondit sur le panneau du panier et les garçons poussèrent qui des cris de frustration, qui de satisfaction. Je consultai mon portable. Raphaël m'avait envoyé un message me souhaitant une bonne soirée. Je n'avais pas encore répondu. Je tournais distraitement ma montre que je portais au poignet gauche.

Puis je fixai longuement les Converse montantes rouges que j'avais aux pieds.

« Je vais jouer, avant de me transformer en glaçon, annonçai-je finalement, et je me levai.

─ T'es bien courageuse », commenta Soraya en exhalant la fumée de sa cigarette.

Haussant les épaules, je descendis les gradins et entrai sur le terrain. Les garçons se tournèrent vers moi, sauf Alessio et Jules qui jouaient encore. Paul me fit un grand sourire et frappa dans ma main tendue.

« Yo, Dani ! On se fait une partie ?

─ Carrément », répondis-je.

Il me lança un deuxième ballon.

« Tu joues avec moi en un contre un ? Lui demandai-je, me mettant à dribbler pour me réchauffer un peu.

─ Moi je joue contre toi », lança Alessio derrière moi.

Cela me surprit, et je me retournai pour le regarder. Vu qu'il semblait parti pour m'ignorer, je ne pensais pas qu'il me proposerait ça.

Paul, Jules et Damien échangèrent des regards entre eux, l'air de se dire « Voilà qui ne nous concerne pas ».

Eh bien, à la bonne heure. J'allais pas me dégonfler !

« Très bien, répondis-je à Alessio, et je m'approchai de lui alors qu'il jetait un œil à son portable.

─ Ça risque d'être intéressant », entendis-je Damien glisser à Paul.

Ils se mirent à monter les marches des gradins pour aller rejoindre Soraya. Lorsqu'Alessio me prit le ballon, nos doigts s'effleurèrent. Il ne leva pas les yeux de son téléphone pour autant. Il tapait un message à la hâte de sa main libre. Malgré moi, j'étudiai ses beaux cheveux châtains qui ondulaient, son front intelligent, la ligne de son nez et de ses lèvres pleines. Une ombre de barbe se devinait sur ses joues. Se sentant observé j'imagine, il baissa machinalement les yeux sur moi et eut une drôle d'expression quand il comprit que j'étais en train de le mater sans vergogne. Je m'éclaircis la voix, toute gênée.

L'heure bleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant