« Je te dépose » dit Fred à Dani alors qu'on se réunissait tous sur le trottoir devant le cinéma.
Malgré moi, je sentis que je tirais la tronche. Il était 22 heures passées. Je me doutais qu'il espérait quelque chose. Décidément, tout cela était plus facile à gérer quand Dani et moi nous contentions de réviser ou d'aller acheter un soda.
Je n'avais pas l'habitude de voir des types lui tourner autour et clairement, je n'aimais pas ça.
Dani fit la grimace, l'air embêté. Elle passa la main entre ses boucles.
« Je pensais rentrer avec Julie, expliqua-t-elle en s'approchant de cette dernière. Julie et Alessio. (Hein ?) Tu as bien proposé de nous raccompagner, tout à l'heure, non ? » ajouta Dani en me regardant d'un air entendu.
Je m'apprêtais à le faire, mais de là à ce qu'elle lise dans mes pensées... ?
« Lui, il va vous raccompagner ?! A pied ?! »
Fred affichait une moue incrédule peu flatteuse, d'ailleurs il éclata de rire.
« Allez, arrête, D. On s'est à peine vu ce soir. Tu veux vraiment pas que je te ramène et qu'on se prenne un verre ?
─ Ca ira, Fred. Je suis pas loin de toute façon. On se voit lundi à la fac ».
Dani lui fit un petit signe de la main. Vaincu, Fred bougonna quelque chose et grimpa dans sa voiture. Corentin le suivit et nous dit au revoir par la vitre abaissée. Lorsque la voiture de Fred s'éloigna, je sentis que Dani se détendait imperceptiblement à côté de moi.
« Bon, j'ai rien dit parce que tu voulais te débarrasser de lui, mais Dani, je rentre pas, moi, dit alors Julie.
─ Comment ça tu rentres pas ?
─ Ben oui, je dors chez ma mère, ce soir. C'est à l'opposé de la résidence. Je vais prendre un Uber, du coup.
─ Oh, d'accord... bon ben, à demain, hein ? »
Nous lui dîmes au revoir, puis Dani et moi prîmes la direction de chez elle d'un bon pas. Elle n'habitait pas très loin du centre-ville.
« T'as toujours pas froid comme ça ? » s'enquit Dani alors qu'on traversait la rue.
Elle fixait mon t-shirt noir. Je fis non de la tête. Je n'avais pas froid, en revanche, j'étais tout chamboulé. Je lui jetai un regard en coin. Elle n'avait pas l'air chamboulé, elle. Elle avait même l'air très bien, détendue et tout.
Dani était tellement plus expérimentée que moi. Ca me faisait un peu peur. Pas dans l'idée que je ne pouvais pas être à sa hauteur, non, plutôt dans celle que je ne pouvais raisonnablement pas l'intéresser. Elle avait même mis une casquette à Fred sous mes yeux...
« Hé, qu'est-ce que t'en as pensé, du film ? reprit Dani.
─ C'était pas mal..., dis-je évasivement. Et toi ?
─ Ouais, j'ai carrément préféré le précédent ».
Elle avait comprit que je n'avais pas envie de parler et n'ajouta rien de plus, pas vexée.
J'avais envie de lui tenir la main, mais je restai tranquille. Nous fîmes tout le trajet en silence. Ca ne me dérangeait pas les silences, avec elle, et je pense qu'elle non plus. Il y en avait souvent lorsqu'elle me demandait de résoudre un problème et qu'elle me laissait réfléchir dans mon coin.
« Bon ben bonne nuit », dis-je platement quand on arriva devant le bâtiment de sa résidence.
D'accord, c'était archi nul, mais bon, que dire d'autre, aussi ? Elle avait déjà commencé à gravir les marches du perron lorsque je la saluai, pensant que j'allais la suivre jusqu'au digicode.
« Oh... Merci » dit Dani.
Elle se pencha vers moi pour m'embrasser sur la joue. La sentir si près de nouveau souleva en moi une nouvelle vague inattendue d'émotions diverses. Je l'attrapai instinctivement par la taille et tournai la tête au dernier moment pour que sa bouche atterrisse plutôt sur la mienne. Elle me fit les gros yeux ; je lui souris malicieusement, plutôt fier de moi.
« N'y prends pas goût, hein, Alessio...
─ T'inquiète pas, je t'aurai déjà oubliée demain ! »
Elle eut un éclat de rire qui fit battre mon cœur plus vite.
« Dani j'adore quand tu ris » m'entendis-je dire.
Elle me considéra avec étonnement, et à ma grande satisfaction, je vis un sourire presque timide se dessiner sur son visage.
« Vraiment ?
─ Oui.
─ Pourquoi ?
─ Je sais pas. Ca te va bien, de rire. Et tu ris pas si souvent que ça... en fait. »
C'était vrai. Parfois, lorsque je la regardais sans qu'elle s'en aperçoive, je lui trouvais l'air mélancolique et lointain, comme si elle revivait dans sa tête des souvenirs difficiles. Je n'avais jamais osé lui poser de question, par contre.
« Oh mais rire ça va à tout le monde, non ? (Elle tapa le code sur le digicode et la porte s'ouvrit avec un déclic). Merci de m'avoir ramenée, mon Alessio. A la semaine prochaine. »
Elle me fit au revoir de la main, entra dans le hall dont les lumières automatiques s'activèrent aussitôt, se déversant sur les boîtes aux lettres et le carrelage.
Je pris la direction de chez moi en sautant de joie dans les rues presque vides.
Dani avait repoussé Fred, mais pas moi.
Ca voulait tout dire. Elle avait forcément un petit faible pour moi, alors... trop cool.

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L'heure bleue
Novela JuvenilDifficile pour Alessio de ne pas craquer pour Daniela, une étudiante qui l'aide en sciences. Elle est jolie, sûre d'elle, sexy... et surtout de cinq ans plus âgée que lui. Résultat, il a la nette et douloureuse impression de n'être qu'un gamin à s...