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Daniela

« Elle revient à elle...

─ Doucement, mademoiselle...

─ La pauvre petite... ce qu'elle est pâle ! »

J'ouvris les yeux, battis des paupières. Quelques visages étaient penchés sur moi, un peu flous. Je reconnus celui du gentil monsieur de tout à l'heure.

J'étais allongée sur le carrelage froid de l'hôpital et compris immédiatement que j'étais tombée dans les pommes, probablement un court moment. Merde. J'essayai de m'asseoir, mais la pièce se remit à tanguer instantanément. Quelqu'un me soutint par le bras.

« Doucement, dit le monsieur. Respirez tranquillement, je vais vous apporter un peu d'eau. »

Petit à petit, je me sentis un peu mieux, suffisamment pour relever la tête vers l'inconnu aimable. C'était un homme d'une cinquantaine d'années, à la mine fatiguée, aux vêtements froissés. Il devait être aux Urgences depuis des lustres.

« Ca va mieux ? »

J'hochai la tête.

« Vous n'aimez pas la vue du sang ? Difficile de s'y habituer, hein ?

─ Non, c'est pas ça, je... » bafouillai-je confusément.

Et je fondis en larmes. Le gentil monsieur parut surpris. Il me tapota maladroitement l'épaule et sortit un mouchoir d'un paquet de mouchoirs qu'il me tendit. Je me mouchai bruyamment.

« Ca va aller » dit-il.

Non, ça n'allait pas aller. C'était trop tard.

Mon fiancé était déjà mort et ma vie déjà sens dessus-dessous, comment ça pouvait aller mieux ? Je ne savais plus distinguer le haut du bas, la gauche de la droite. J'étais perdue depuis si longtemps. Totalement perdue.

**

Alessio revint un peu plus tard, la main entortillée de bandages. Je le rejoignis d'un pas incertain dans le couloir brillamment éclairé.

« Ca va ? Me demanda-t-il, l'air super inquiet. (Il me caressa brièvement le bras). On m'a dit que tu t'étais évanouie.

─ C'est rien du tout. Je me suis sentie mal un moment. Je suis en pleine forme maintenant, j'ai pris un chocolat chaud. »

Alessio me fixa un instant en silence.

« C'était pas une crise d'hypoglycémie, Daniela.

─ Bien sûr que si, dis-je fermement. C'est toi qui es blessé, et tu te fais du souci pour moi ? T'inquiète pas, va. »

Je lui donnai un petit coup de poing affectueux dans l'épaule. Une ombre de déception passa sur le visage d'Alessio. Il pinça les lèvres.

« Tu continues de te fermer et de pas vouloir me parler, Dani. Tu sais ce que j'en pense.

─ Comment va ta main ? Eludai-je, gênée qu'il arrive à lire en moi comme dans un foutu livre ouvert.

─ Ca va. Ecoute, merci de m'avoir accompagné jusqu'ici... je vais y aller, maintenant. A plus. »

Et sans rien ajouter, il me planta là et s'éloigna vers les portes coulissantes qui menaient à l'extérieur. Un froid mordant me saisit ; j'avais nettement l'impression qu'Alessio venait de s'éloigner de moi. Pour de vrai.

Intolérable.

Je lui courus après et glissai doucement ma main dans celle qui n'avait pas de bandage. Alessio baissa les yeux vers moi. Je lui souris, presque timide.

L'heure bleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant