L'heure bleue

17

 Daniela

   Le taxi que j'avais commandé me déposa en plein Paris, au pied de la salle où avait lieu l'évènement. Sonia m'attendait devant l'immeuble Haussmanien, ses cheveux roux relevés en un chignon soigné, cinglée dans une robe dorée à multiples sequins qui jetait de jolis éclats ambrés lorsqu'elle bougeait. Je gonflai les joues en la voyant. Je n'étais pas sûre de l'idée de la fréquenter de nouveau.

  Dans combien de boîtes de nuit avions-nous traîné ? Avec combien de mecs je m'étais envoyée en l'air sous son influence ? J'aimais mieux ne pas y penser. C'était sympa d'aller à cette soirée privée, mais... je ne pouvais pas dire que j'étais ravie d'être tombée sur elle, deux jours plus tôt, en présence d'Alessio en plus. Elle me renvoyait à la figure un passé et des agissements pas très glorieux.

« Enfin te voilà ! Me lança-t-elle en riant, alors que je descendais du taxi. Dis donc... super pompes ! Tu me les prêterais ?

─ Merci, mais non. Ça va ? Ajoutai-je alors qu'elle roulait des yeux à mon adresse.

─ Ouais. J'ai vu un groupe de mecs entrer, je te dis pas. Trop mignons !! Wouhouuu, on va bien s'amuser !

─ Heu... On reste sage, hein, Sonia ?

─ Oh, allez, sois pas chiante ! Il est même pas là, ton mec. On va rester jusqu'à pas d'heure, je te préviens ! D'ailleurs, ça le gêne pas que tu sortes tard, sans lui ?

─ Il s'en fout. Et toute façon il a pas son mot à dire, je suis une grande fille, je sais me gérer », rétorquai-je.

Sonia montra nos passes au type de la sécurité et nous pûmes accéder à la soirée. Je retins une exclamation d'admiration en entrant. La salle était immense, avec de hauts plafonds ornementés d'où pendaient des lustres de cristal. Sur une petite estrade, le DJ mixait d'un air inspiré. Les gens parlaient en petits groupes ; certains dansaient, évoluant en rythme sur le sol latté, ciré de près.

Des serveurs en livrée louvoyaient parmi les invités sur leur trente-et-un. Je repérai un ou deux visages connus, le ministre de la culture notamment. Il y avait beaucoup de monde, une majorité de jeunes de notre âge.

Sonia cueillit prestement deux coupes pétillantes sur le plateau d'un serveur qui passait à proximité.

« Tchin, baby ! » Gloussa-t-elle en trinquant avec moi.

Je pris une petite gorgée dans ma bouche et laissait les bulles fraîches fondre sur ma langue.

« Merci pour l'invitation, lui dis-je en souriant. C'est sympa, je suis contente d'être venue.

─ Oh, pas de quoi. Et ton Alessio alors ? Tu l'as laissé à la maison, hum ?

─ Je l'ai pas « laissé », c'est lui qui ne voulait pas venir. Il est avec un copain à lui.

─ T'es sûre ?

─ Comment ça « je suis sûre » ?

─ Attends, viens. »

Sonia m'entraîna vers le bar et se percha sur un tabouret. Je posai ma pochette devant moi et croisai les jambes. Je la vis détailler le barman avec attention. Je l'observai à mon tour. Il était très mignon. Grand, large d'épaules. Pauvre de lui. Sonia n'allait en faire qu'une bouchée ; du moins, c'était son intention.

« Ben ouais, reprit-elle sans quitter le barman des yeux. Qu'est-ce qui te dit qu'il est pas avec une autre meuf, ton gars ? »

J'éclatai de rire, manquant m'étouffer avec ma nouvelle gorgée de champagne. Sonia me regarda avec un sourire indulgent.