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  Je laissai un mot bien en évidence sur la table du salon pour mes parents, disant que j'allais au cinéma avec des copains.

Alors qu'on grimpait tous dans la voiture du dénommé Fred, je vis tout de suite à la façon appréciatrice dont il fixait ses jambes élancées que Dani ne le laissait pas de marbre. Il se pencha sur le siège passager pour lui ouvrir la portière de l'intérieur :

« Salut, ma belle ».

  Franchement, ce n'étaient pas les occasions qui lui manquaient, à Dani. Avec ses superbes yeux chocolat bordés de longs cils noirs, ses boucles d'ébène tout rebondies, sa bouche pulpeuse et son teint mat qui prenait facilement le soleil, je lui trouvais des faux airs de guerrière du désert. Elle était franco-brésilienne. C'était sa mère qui était Brésilienne. Elle était belle et elle avait tout à fait conscience de ses charmes. Et elle était capable de s'en servir comme d'une arme de pointe sur bien des mecs, d'après mes observations. Ben oui, en presque deux ans qu'elle me faisait de l'aide aux devoirs, j'avais eu le temps de m'apercevoir de son pouvoir sur la gent masculine.

Le pire était sans doute que je ne faisais pas vraiment exception, non plus... assez consternant.

Corentin, Julie et moi nous installâmes sur la banquette arrière.

Fred me jeta un regard interrogateur par le biais de son rétroviseur. C'était un grand type large d'épaules, assez impressionnant, avec un visage dur dont les traits semblaient découpés à la serpe. Il n'avait pas trop la dégaine de l'idée que je me faisais d'un étudiant en maths. Cependant, un tatouage du symbole de l'infini était visible sur son avant-bras. Je lui fis un bref signe de tête.

« Qui t'es, le gamin ? s'enquit-il en se pinçant l'arrête du nez.

─ C'est mon élève, abruti, répondit Dani en lui donnant un petit coup à l'épaule. Je te rappelle que tu viens nous chercher de chez lui. »

Fred exhala la fumée de sa cigarette, le bras tendu par delà la vitre abaissée. Je n'aimais pas l'odeur de sa cigarette. Pouah !

« Vous lui avez proposé de venir ? poursuivit-il en redémarrant la voiture.

─ Je suis plutôt sympa, répondis-je, agacé qu'on parle de moi pour moi alors que j'étais bien présent.

─ Ouais, peu importe. »

Il haussa les épaules et m'oublia totalement par la suite. Tant mieux.

Lorsque nous arrivâmes devant le cinéma, les pubs étaient terminées et le film sur le point de commencer. La salle quasi pleine ; il ne restait que quelques places disséminées çà et là.

« Bon bah, on va devoir se séparer, constata Corentin. Et je vois deux places, là...

─ Je te suis, déclara Julie. A toute ! »

Ils s'éloignèrent dans une allée ; Fred observa Dani avec insistance.

« On se met par là, D ? Y'a deux autres places libres, regarde. »

Oh, génial... J'allais chercher une place pas trop mal située, quand Dani me retint par le bras.

« Désolée, Fred, je vais pas pouvoir laisser Alessio tout seul. Il est mineur et sous ma responsabilité. »

C'était vrai, et en temps normal ça avait une forte tendance à m'agacer, mais là, ça m'arrangeait : on allait se retrouver ensemble, et je n'aurais pas à me monter la tête de l'imaginer regarder un film dans l'obscurité au côté de ce Fred dont la tronche ne me revenait décidément pas.

L'heure bleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant