L'heure bleue

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   Je traversai le terrain sans me retourner, escaladai les marches deux par deux et ouvris la porte brusquement. Stan était vautré sur un fauteuil dans le salon, en train de griffonner des notes de musique sur son carnet. Il leva les yeux vers moi avec un sourire. Sourire qui disparut lorsqu'il vit la tête que je tirais. Je fus soulagée de le trouver là.

« Ça va, jolie Dani ? Qu'est-ce qui se passe ?

─ Heu... T'avais pas parlé d'une course à faire, en ville ? Ça te dit d'y aller maintenant ? Je t'accompagne.

─ Oh, pas de problème. Je prends les clés de la voiture et on y go...

─ Merci. Magne-toi, s'il te plaît, Stan. »

Mon sac m'attendait sagement sur la table. Je le soulevai d'une main tremblante.

Raphaël nous croisa sur le perron, alors que je jetais la bretelle de mon sac à dos sur mon épaule. Je relevai la capuche de mon pull sur ma tête pour qu'il n'ait pas à regarder mon visage.

« Dani, je n'aurais pas dû m'emporter, dit-il d'une voix piteuse en nous suivant. D'accord, restons amis. Tout ce que tu veux. J'ai eu tort, je...

─ Au revoir, Raphaël », me contentai-je de répondre en accélérant le pas.

Je sautai dans la voiture. Raphaël appela mon nom. Je claquai la portière. Stan s'assit au volant, l'air inquiet.

« Un problème ? S'enquit-il en mettant le contact.

─ Aucun, dis-je. Démarre, Stanislas ! »

Je sentais que Raphaël me fixait derrière la vitre, à quelques pas à peine. Finalement, je tournai la tête vers lui, juste avant que Stan ne passe la première. Je vis dans son regard comme il était encore furibond contre moi, probablement parce que je lui avais fait le dernier affront de refuser ses « excuses ». Ça me coupa le souffle. Je n'aimais toujours pas sa façon de me dévisager. Je bouclai ma ceinture et me pelotonnai dans mon siège, le cœur battant.

*

Un peu plus tard, j'accompagnai Stan au magasin et en profitai pour m'acheter une bouteille d'eau et un sandwich, puis il me déposa devant la gare. Je détachai ma ceinture de sécurité et lui fis la bise.

« C'est dommage que tu doives déjà repartir, dit-il en se grattant la tête. C'était sympa de faire ta rencontre. Tu sais, Raph est pas un mauvais gars... c'est juste quelqu'un qui aime tout garder sous contrôle. »

Je m'en étais aperçu quand il m'avait demandé plus d'une fois d'arrêter de voir Alessio, entre autres, mais je ne pensais pas que ça pouvait le mettre dans un état pareil.

« Il a un petit problème avec ça, poursuivait Stan.

─ Ah ouais ?

─ Ouais. Ça lui joue des tours, parfois. Toi, tu lui fais un effet bizarre parce que tu craques pas à ses avances, contrairement à plein de filles... Il te trouve difficile. Ça l'attire, et ça l'agace en même temps... Il dit qu'il comprend pas pourquoi tu perds ton temps avec ton ex quand tu pourrais sortir avec lui.

─ Il t'a raconté tout ça sur moi ? Demandai-je, étonnée et pas forcément ravie.

─ Ouais, on a parlé de toi, avant qu'il t'invite à venir ici... mais bon, bref. Si tu veux partir, pas de problème. Mais te sens pas obligée parce que vous vous êtes pris la tête... Il t'aime bien, tu sais. Tu peux revenir avec moi à la maison, si tu veux. »

Stan n'avait aucune idée de ce dont il parlait.

« Je l'aimais bien aussi, mais bon, j'ai bien peur que ça ne suffise plus, répondis-je en haussant les épaules. Surtout s'il commence à me traiter de... heu... d'idiote.