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Daniela

« Il est vraiment marrant ce film » lançai-je plus tard, avec un entrain un peu forcé.

J'étais allongée sur le canapé, les jambes posées sur les genoux d'Alessio, et regardai d'un œil amusé l'écran de l'ordinateur. Il était presque 23 heures.

Je m'étirai en baillant ; Alessio suivit mon geste du regard.

« J'arrive pas à croire que tu m'aies pas parlé de ce voyage », dit-il d'une voix lente.

Voilà.

On y était.

Mon cœur se serra d'appréhension. Je n'avais pas envie de me disputer, mais toute la soirée, ça s'était profilé. Alessio était distant et préoccupé. Il me parlait d'un ton cassant, et seulement si je lui adressais la parole. Plus il était froid, plus je me sentais stresser.
Autant crever l'abcès, alors.

Lentement, je me redressai et m'assis en tailleur face à lui. Je m'étais changée pour un bête t-shirt avec un jean, mais lui portait encore la chemise et le pantalon élégants qu'il avait mis pour le dîner chez ses parents. Il me fixa de ses yeux bleu foncé tout en se mordillant la lèvre. Il n'était pas confiant non plus. Je pris une inspiration pour me donner du courage.

Silence inconfortable.

« J'allais te le dire, commençai-je prudemment.

─ Quand ? Contre-attaqua Alessio immédiatement.

─ Je sais pas. Bientôt.

─ Une heure avant de partir pour l'aéroport, je suppose ?

─ Mais non.

─ Pourtant ça ne me surprendrait même pas de toi ».

Je passai impatiemment les mains dans mes cheveux, plusieurs fois d'affilée, pour évacuer ma tension.

« Écoute, oui, je dois aller au Brésil. J'ai des choses à faire à Rio pour... pour mon association.

─ Ton association. Ah oui. Je ne savais même pas que tu en avais une. Ça te fait rien, ça, Dani ? »

Silence.

Je baissai les yeux.

« Je... Le colloque... c'est un meeting à l'internationale, ça dure une semaine, repris-je, la voix hésitante. Plusieurs NGOs de plusieurs pays y seront représentées. La conférence que je tiens pour mon asso est le dernier jour, alors... pis je dois voir ma grand-mère absolument. Et la mère de Rubén. Et ma mère, aussi, forcément. Mais c'est tout. Je vois tous ces gens et j'essaie de rentrer juste après. »

Ça me semblait improbable, à vrai dire. Ce n'était pas réaliste, ni raisonnable, de lui dire ça. Je ne pourrais pas rentrer ensuite ! Ce n'était pas prévu comme ça. Mais même maintenant qu'on parlait de ce putain de voyage, j'avais tellement peur de lui dire la vérité. Tellement peur de sa réaction.

C'était trop tard pourtant, beaucoup trop tard.

« Tu vas tenir une conférence au colloque ?! répéta Alessio d'une voix totalement stupéfaite.

─ Heu, ouais.

─ Wahou..., souffla Alessio, et il applaudit comme s'il était au spectacle. De mieux en mieux, Dani. Je suis sur le cul, bravo. »

... Je m'enfonçais au lieu de nager vers la surface. Je ne savais pas comment lui expliquer que j'allais lui dire bientôt. Sa mère m'avait piégée, c'est tout...

Mais une petite voix me disait que c'était pourtant ce que j'avais fait. Le tenir à l'écart.

« Heu... tu veux venir ? m'entendis-je demander, toute timide. Tu pourrais m'accompagner. C'est beau, Rio. »

L'heure bleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant