L'heure bleue

24

Alessio

Un autre quart d'heure s'écoula... Puis un autre encore... Je n'en pouvais plus d'attendre. Enfin, mon père surgit dans la pièce, escorté de ma mère. Je me sentis pâlir. Oh putain de merde. J'allais prendre cher.

« Alessio, chéri ! S'écria Maman en portant les mains à sa bouche, catastrophée. Tu n'as rien ?!

─ J'ai rien du tout... à peine trois bleus...

─ Tu as saigné du nez ! Et ta lèvre est fendue !

─ J'ai juste la lèvre pétée, Maman, c'est que dalle. T'aurais pas dû venir.

─ Ne dis pas à ta mère ce qu'elle a à faire ou non, mon garçon », ordonna sèchement Papa.

Je me tus aussitôt. Il était furieux. Mon père était super cool, m'engueulait pour ainsi dire jamais. Quand j'avais accidentellement mis le feu au tapis du salon, à huit ans, il avait juste levé les yeux au ciel avec indulgence. Là, j'allais y passer. Je regardai mes parents discuter avec les officiers pour débattre de ma libération. Putain.... C'était long, trop long. Il fallait que je sorte d'ici pour retrouver Dani. Maintenant ! Trop de temps avait passé, déjà.

A cet instant, Chloé revint, avec Jules sur les talons.

« Jules ! M'exclamai-je aussitôt, plein d'espoir. Tu l'as appelée ? Comment elle va ? Elle sait que je suis là ?

─ Elle sait, oui. Heu... en fait, on s'est eu vite fait au téléphone, et je l'ai vue rapidement. De loin.

─ Tu lui as pas parlé alors ??

─ Pas en face... Heu... t'énerve pas, mais à vrai dire je l'ai vue monter dans l'ambulance.

─ Hein ? Quelle ambulance ?!

─ Tu sais bien, avec Raphaël... dans l'ambulance qui l'emmène à l'hôpital, quoi ».

Mon sang ne fit qu'un tour dans mes veines.

« Elle est montée avec... DE QUOI ?

─ Je pense qu'elle veut parler à Raphaël pour qu'il ne porte pas plainte contre toi, ajouta Jules dans un soupir. Elle a raison, Alessio.

─ S'il ne porte pas plainte, tout ça va se tasser, dit Chloé en me souriant d'un air rassurant. T'inquiète pas, Alex, mon père a appelé quelqu'un qui a appelé le propriétaire de la salle, c'est bon. Tu vas juste aller au commissariat pour un contrôle d'identité. C'est une procédure banale.

─ Mais pourquoi ils me laissent pas juste sortir ?

─ Parce que t'as pas de papiers sur toi. Il faut faire une vérification au poste de police, mais réjouis-toi, y'aura même pas de garde à vue. Tu vois, on a réussi à arranger ça...

─ Heu ouais... Merci, Chloé. »

Mais quel con ! J'étais parti tellement vite que je n'avais pas pris mes papiers. Chose qui n'arrivait pour ainsi dire jamais. Je perdais totalement la tête à cause de Dani...

« J'ai fait tout ce que j'ai pu, Alessio » dit Chloé, l'air à la fois soulagé que les choses allaient s'arranger, et hésitant quant à ma réaction.

De fait, je lui étais très reconnaissant de son aide, hein, mais je ne pensais qu'à Dani, seule avec ce taré de Raphaël.

« Magnez-vous, merde ! Persiflai-je. Sortez-moi d'ici ».

Une minute plus tard, un agent vint ENFIN ouvrir ma cellule, et je le bousculai pour sortir. Mon père était penché sur le bureau, en train de parapher des papiers d'une main impatiente, mais il me vit faire du coin de l'œil et fronça les sourcils. Ma mère se jeta sur moi, nouant les bras autour de mon cou et sanglotant sur mon épaule.

« Tu m'as l'air bien pressé, le gamin ? Où tu crois aller ? On te dépose au commissariat, de toute façon, donc pour la énième fois, tu ferais mieux de te calmer, où je te remets les menottes fissa ».

Je jetai un sale regard à l'agent qui venait de s'adresser à moi, mais Papa m'attrapa par le bras et me secoua sans ménagement :

« Maintenant ça suffit Alessio ! Tu te calmes ! Ta mère et moi allons te suivre avec la voiture, et quand tout ça sera terminé, tu vas rentrer avec nous à la maison. Crois-moi, on va avoir une bonne discussion, mon garçon. »

Ça, je n'en doutais pas.