L'heure bleue

14

Une heure plus tard, j'avais déjà bu deux – bon, d'accord trois - verres et je me sentais super super bien. Je ne pensais pas du tout à Alessio, mais alors pas du tout. Lequel Alessio n'avait pas daigné m'envoyer un seul foutu SMS depuis cette épouvantable séance de ciné. Rien, que dalle. Non que j'en attendisse un, que personne ne s'y méprenne. Non, ça ne m'affectait absolument pas. Toute façon j'avais supprimé son numéro, alors...

« C'est sympa que tu sois journaliste et pas blogueur, dis-je à Raphaël, et je fis tourner mon verre entre mes paumes. Ca fait old school. J'aime bien.

─ Haha, merci ! Et toi, Dani, tu comptes gravir les échelons de Starbucks ?

─ Oh non, ça m'étonnerait... Je vais sûrement finir gestionnaire de données pour une ONG quelque part. Je sais qu'on ne dirait pas comme ça, mais en fait, je suis une grosse matheuse. »

Je lui fis un clin d'œil.

« Une grosse menteuse, tu dis ?!

─ Aussi, oui... »

Nous rîmes. La musique était super forte dans le bar, aussi devais-je pratiquement coller ma bouche à l'oreille de Raphaël pour qu'il puisse entendre mes réponses à ses questions. Il me dévorait du regard. Je voyais bien que je l'attirais beaucoup. Tant mieux. Par contre, il y avait également une certaine retenue dans sa façon d'être, que je ne m'expliquais pas. Il avait passé le bras autour de ma taille, et je ne faisais rien pour l'en détacher. Nos têtes étaient penchées l'une vers l'autre.

Il me sourit, et les mots suivants s'échappèrent de mes lèvres avant que je ne puisse les retenir.

« Tu as un beau sourire, mais tu as pas les yeux bleus », dis-je, et je plaquai mes deux mains sur ma bouche en gloussant de ma propre bêtise.

Oups. J'étais pompette ou quoi ? Raphaël me jeta un coup d'œil amusé.

« Ben non. Pourquoi tu me dis ça ? Tu craques pour les garçons aux yeux bleus, c'est ça ? Merde, ça m'arrange pas trop... »

En fait, même pas. J'avais toujours eu une préférence pour les yeux bruns. J'aimais les nuances chaudes. Par malchance, seul Alessio me faisait cet effet.

« Excuse-moi, fis-je. Je dis n'importe quoi. T'inquiète pas, va, ils sont très beaux tes yeux noisette, et toi je te trouve très mignon. »

Mais pas autant qu'Alessio. Alessio était vraiment mais vraiment mignon, faut dire...

Bordel de merde ! « Arrête de penser à lui ! » m'ordonnai-je, et je m'assénai une gifle mentale.

Je poussai un soupir qui fit voleter ma frange et jetai un bref coup d'œil à mon téléphone. Il était 22 heures 10. Que faisait donc Alessio au même moment ? « Bah, je suppose qu'il baise Viola ! » pensai-je avec une amertume pleine de hargne qui eut le mérite de me dégriser vite fait bien fait.

« Dani... est-ce que je peux t'embrasser ? »

Je reportai mon attention sur Raphaël. Il me regardait intensément. Je ne savais qu'en penser. Du bisou, je veux dire. Déjà, je préférais quand le mec se lançait, plutôt que quand il posait la question. Ensuite, pour être tout à fait honnête, je n'étais pas à fond dans ce rendez-vous imprévu. Raphaël me plaisait bien, mais... bah, de toute évidence, j'avais la tête ailleurs. Mais je lui souris pour l'encourager.

Une seconde plus tard, l'aigle atterrissait. Je fus surprise par sa technique. Wow ! Il savait y faire, celui-là. C'était plutôt agréable, voire très agréable. Mon intérêt remonta un peu et je lui rendis son baiser, mêlant paresseusement ma langue à la sienne. Mais très vite, mon souffle s'emballa et je me pressai contre lui, impatiente.

« On s'en va ? » Suggérai-je contre ses lèvres.

Il hocha la tête, tout émoustillé. A la bonne heure, babe !

Je saluai les collègues, assis un peu plus loin. Quelques instants plus tard, le froid de la rue nous happait, intransigeant. Il n'y avait presque pas de passants ; un peu plus loin, je n'hésitai donc pas à plaquer Raphaël contre un mur, histoire de l'embrasser de plus belle. Je voulais ressentir quelque chose. Autre chose.

« Dani, je...

─ Chut... »

Oui. Juste un moment de répit. Mais au moment où je passai une main impérieuse sous son pull, Raphaël entoura ma taille de ses bras pour me glisser à l'oreille, la bouche collée à mes cheveux :

« Dani, crois-moi, j'en ai très envie aussi. Mais je veux déjà qu'on sorte un peu tous les deux... qu'on aille dîner ensemble. Tu me plais beaucoup, et je ne voudrais pas précipiter les choses, d'accord ? »

Sur ce, il me repoussa, doucement mais fermement. Puis, comme pour s'excuser, il prit ma main dans la sienne et y déposa un petit baiser. Je me mordis la lèvre, extrêmement déçue. Oh ! C'était donc ça. Le gentil Raphaël voulait prendre son temps... voilà qui n'arrangeait pas mes affaires ! Mais, soit. Ce n'était pas comme s'il me laissait le choix, de toute façon...

-----------------------------------------------------

Précision. Quand Dani dit '' babe '', elle se moque de Viola, hein XD C'pas du tout son délire d'appeler un homme de cette façon... elle, elle les appelle pas xD

Mais Dani mais que se passe-t-il ? 😂😂

Dani a la rage, Dani est malheureuse, Dani est jalouse, Dani fait n'importe kwa...