L'heure bleue

35

Alessio

A 8 heures 30 précises, je retrouvai Chloé devant la BU pour continuer de bosser la finance.

J'étais arrivé avant elle. Je l'attendis adossé contre la porte vitrée, en regardant mes messages sur mon portable.

 A mon grand étonnement, Dani m'avait écrit. C'était rare qu'elle m'écrive si peu de temps après qu'on se soit vu.

de Dani

T'y crois toi aux relations longue distance ?

C'était quoi cette question bizarre ? J'allais lui répondre quand j'entendis une cavalcade.

« Alex ! » Appela Chloé.

Je levai les yeux et lui souris. Elle s'arrêta devant moi et se pencha en avant, les mains sur les genoux. Ca me fit sourire de la voir dans cet état.

« Je suis désolée pour le retard ! Lança-t-elle, à bout de souffle.

─ T'es pas en retard Clochette, respire ! »

Nous nous fîmes la bise avant d'entrer dans la BU.

Il n'y avait pour ainsi dire personne. Nous nous installâmes à une table en discutant gaiement de choses et d'autres. Lorsque Chloé retira son manteau, je vis qu'elle portait un pull tout doux en dessous, au décolleté bordé de dentelle. La dentelle devait appartenir à son soutien-gorge. Je m'obligeai à regarder ailleurs.

On commença les exercices.

Chloé était très douce et patiente devant mes erreurs, moins brusque que Dani à l'époque. Dani restait quand même un prof très efficace avec qui on progressait vite, et l'espace d'un instant, je me demandai si j'avais bien fait de ne pas lui demander de m'aider. Après tout, elle était vraiment douée avec les chiffres... quel euphémisme. Et j'aurais même pas eu besoin de sortir du lit, en plus.

Mais j'aimais Dani, et Dani était plus âgée que moi, plus expérimentée que moi, déjà diplômée avec mention, et je voulais qu'elle me voie comme son égal, pas comme un petit enfant qu'il fallait toujours materner et éduquer. Quelle horreur. Rien que la pensée m'étouffait.

« Super Alex ! »

La voix joyeuse de Chloé me ramena à l'instant présent.

« Ben t'as tout bon ! Bravo ! Je suis trop contente ! »

Ce disant, Chloé planta un baiser sur ma joue pour me féliciter. Puis elle se mit à tirer sur mon chèche en riant, pour le resserrer joyeusement autour de mon cou. J'attrapai son poignet et l'obligeai gentiment à baisser le bras. Elle poussa un petit cri et gloussa un « T'es sérieux là ? Arrête ! », alors que je maintenais ma poigne au lieu de la relâcher. Je me surpris à rire avec elle.

Elle tenta de me donner un coup à la tête avec sa trousse ; j'esquivai agilement. Chloé essaya une nouvelle fois de se défaire de mon emprise en pouffant. Un type à lunettes assis non loin nous incendia du regard.

« Chuuut ! » soufflai-je à Chloé.

Elle me sourit, l'air espiègle. Je lui rendis son sourire. Tout à coup, son regard changea, se chargeant d'une forte émotion que je n'eus pas le temps de décrypter. Déjà elle s'était penchée vers moi et ses lèvres effleuraient les miennes, aussi légères qu'une aile de papillon. Je me figeai sur ma chaise, comme frappé par la foudre. Chloé s'écarta légèrement et nous nous regardâmes, aussi troublés par ce baiser inattendu l'un que l'autre. Je vis dans ses yeux qu'elle n'avait pas du tout prémédité ce qu'elle venait de faire.