L'heure bleue

39

Daniela

 Ce matin-là, je me réveillai en me sentant toute barbouillée. J'avais des crampes... Mes règles étaient arrivées.

Je courus vomir dans les toilettes.

 Après quoi je fis un passage à la salle de bains pour me rafraichir. Je me lavai le visage, me brossai les dents puis attachai mes cheveux en chignon négligé. De toute façon, J'avais une tête de déterrée. Mais au moins, les rougeurs s'étaient estompées dans la nuit et mon visage était de nouveau normal. Lorsque je revins vers la chambre, je croisai Alessio dans le salon. Il portait un sweat-shirt noir avec l'inscription 1984 dessus, et un jean gris foncé qui lui allait à ravir. Je ne pus m'empêcher de l'admirer, malgré le fait que je ne me sentais pas bien du tout.

« Ça va ? » demanda-t-il d'une voix douce.

L'inquiétude dans sa voix me soulagea. Il pensait encore à moi.

« Ouais, j'ai juste mes règles... j'ai des crampes, ça fait mal au ventre, expliquai-je d'une petite voix. Et en plus je dois aller au magasin parce que j'ai totalement oublié de racheter des protections... il m'en restait qu'une.

─ Oh... Bah, retourne au lit, je vais y aller moi. »

Pas besoin de voir mon reflet pour savoir que mon visage venait de s'illuminer.

« C'est vrai ? lançai-je, pleine d'espoir. Tu ferais ça ?

─ Bah, de toute façon il manque des trucs, je pensais faire quelques courses. Tu peux m'envoyer la photo des... tampons ou chais pas quoi que tu veux ?

─ Oui ! Merci. »

Il hocha la tête. Deux minutes après, il était parti. Je pris un cachet et allai m'installer sur le canapé. Mon père m'appela alors que je ramenais le plaid sur mes jambes.

« Daniela, ma grande, tu n'es toujours pas venue chercher ton passeport brésilien.

─ Oui, heu oui. Je passerai demain. Ou après-demain. J'avais pensé qu'on dînerait ensemble avant que je parte, hein, Papa ?

─ Tu dis ça comme si ça n'était pas une habitude. Hé ! Rapporte-moi de la térébenthine, d'accord ? Le magasin est toujours fermé quand je sors du travail...

─ Ouais, ouais... à bientôt, Papa, bisou. »

Je raccrochai songeusement.

Lorsqu'Alessio revint, un peu plus tard, il semblait de bonne humeur. Comme si je lui avais manqué. Il avait acheté de quoi faire des gaufres, qu'il prépara sous mes yeux. Je les dévorai alors qu'il me pressait une orange.

« Exchellentes. Merchi, commentai-je, la bouche pleine.

─ Ben dis donc, dit Alessio, l'air malicieux. Je suis si doué que ça ?

─ J'ai vomi tout ce que j'ai mangé le mois dernier, expliquai-je. Trop faim.

─ Tout s'explique, hein !

─ Arrête, évidemment c'est trop bon ce que tu fais. On sait tous que tu cuisines mieux que moi. Bref.

─ Tu manges toujours comme quatre et tu grossis jamais, dit Alessio en glissant une nouvelle gaufre dans mon assiette. On dirait un estomac sur pattes.

─ Ouais, je sais... c'est abusé. »

Son rire se mêla au mien et durant une seconde, j'eus envie de pleurer tellement, tellement il me manquait.

« T'es heureuse, Dani ? » demanda Alessio.

Mon regard croisa le sien par-dessus la table.

« Tu veux dire... avec toi ?