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« Alessio ! »

Je me réveillai en sursaut. La voix de Maman me parvenait depuis le rez-de-chaussée, par la porte entrebâillée de ma chambre.

« Alessio, tu es là, chéri ? »

Je me tournai pour regarder le réveil. 15 h 38 de je sais plus quel jour. Samedi, ou alors dimanche, puisque Maman ne rentrait jamais avant dix-sept heures du travail. Je sortis mon tel de sous mon oreiller. Pas de message de Daniela, rien. Le vide sidéral.

Déjà une semaine sans nouvelles...

Ça n'était jamais arrivé auparavant, mais il faut dire, auparavant, on avait jamais fait l'amour, elle ne m'avait jamais ignoré par la suite, quant à moi, je n'avais jamais insinué que c'était une allumeuse.

Je rabattis la couette par-dessus ma tête et me rendormis.


**


« Tu ne prends que ça ? »

Brocoli planté au bout de sa fourchette, Maman m'étudiait, partagée entre l'inquiétude et la désapprobation.

« C'est bon, Maman, j'ai pas très faim. Ne t'inquiète pas. »

Mais l'inquiétude l'emporta, comme toujours. Elle perdit patience :

« Enfin, Alessio, il y a à peine de quoi rassasier ma copine Marion qui est au régime. Mange correctement, tu veux ?

─ Sophie..., intervint Papa.

─ Quoi, Sophie ? Ça fait des jours qu'il n'ouvre pas la bouche, qu'il picore, et tu ne lui dis rien ! Il nous couve une dépression ! Tu as remarqué, au moins ?

─ Il est grand. Laisse-le tranquille.

─ Il est grand, oui, mais s'il ne mange pas plus, il va finir par tomber malade. Ressers-toi, Alessio, chéri. Allez. »

Pendant que Maman s'agitait à remplir mon assiette, Papa m'observait d'un œil indulgent. Je le soupçonnais de se douter de quelque chose. Il avait toujours été particulièrement attentif aux autres.

Mais je n'allais pas lui confirmer qu'il était bien question d'une fille, et que j'avais mal, c'était tellement lamentable ! Et ce stupide téléphone qui restait silencieux d'elle, pendant que je recevais des notifications de la terre entière...

Insupportable.

Elle me manquait. Tellement.

Mais j'étais en colère. Tellement.

Aujourd'hui, je réalisais soudainement à quel point j'en voulais à Dani de s'être imposée à moi alors que je ne connaissais rien à rien. La première fois que je l'avais vue, j'avais quinze ans. Elle en avait vingt, à l'époque. La simple idée que cette fille super cool allait m'aider en sciences une ou deux fois par semaine et cela m'avait mis dans un état de nervosité pas possible. Bien sûr, au fil du temps, je m'étais habitué à sa présence, à ses taquineries et à ses sourires, mais au fond, je n'avais pas tellement changé. J'étais toujours le petit Alessio tout intimidé... et elle, la Daniela si sûre de son charme.

Oui, ce qui était triste, c'était que le fossé entre nous était toujours le même qu'à l'époque.

Dani m'était inaccessible.

Je jetai un coup d'œil à mon assiette, déplaçai sans entrain un haricot vert. Non, décidément, je n'avais pas faim.


L'heure bleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant