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Daniela

Cette nuit-là, je ne dormis pas bien.

Après presque un mois toujours fourrés ensemble, Alessio me manquait. Sa présence, son odeur, sa chaleur.

Son sourire à fossettes. Il souriait moins, ces temps-ci. 

Ouais, j'avais franchement mal agi en tardant autant à lui parler de Guiomar et du voyage, je le savais, c'était ridicule. Mais je n'avais pas voulu... tout gâcher, je ne sais pas. Je n'aimais pas parler de moi, c'est tout. Je comptais lui dire, calmement, le moment venu. Mais il avait fallu que sa mère me parle de ma vie professionnelle ! Je m'y attendais, mais je ne m'y attendais pas.

Il était clair que Sophie Clément m'appréciait encore moins qu'à l'époque. Mince ! Zut alors, hein ?

Ça allait à peu près du temps où je faisais cours à Alessio, sûrement parce qu'elle savait qu'après son bac, j'allais disparaître de toute manière. Elle avait même probablement été contente que je dégage plus tôt... j'avais cessé de parler à Alessio en avril, au lieu du mois de juin. Oui, elle ne pouvait pas m'encadrer, et rêvait d'une autre pour son fils. Mon instinct me disait qu'elle me trouvait « trop » : trop instable émotionnellement, trop sexy, trop intelligente, trop... « menaçante ».

Elle voulait une brave gamine pour son fils, une fille sage, de préférence issue de la France profonde, pas quelqu'un comme moi, avec une double nationalité, qui attirait plein de problèmes et presque autant d'hommes. Le fait que je sois si brillante en plus devait lui déplaire souverainement : si j'étais idiote, le prétexte aurait été tout désigné pour essayer de me dégager. Pas de chance !

Je soupirai, le visage dans mes oreillers.

Vers 3h du matin, je finis par m'endormir, épuisée. Tout ça pour faire des cauchemars, où ce n'était pas Rubén que je perdais, mais Alessio. Je me réveillai en nage et ne réussis à me rendormir qu'en laissant ma lampe de chevet allumée.

**

  La journée suivante passa lentement, lentement. J'appelai vite fait Alessio dans l'après-midi. Ça sonna dans le vide. Je ne saurais dire s'il avait ignoré l'appel, ou s'il était simplement occupé, entre les révisions pour les partiels et le reste. Toujours est-il qu'il ne me contacta pas de la journée. Je dormis mal cette nuit là, encore. Encore des cauchemars où je le perdais. J'étais préoccupée, angoissée même, et lorsque j'étais aussi soucieuse, je faisais de mauvais rêves, systématiquement.

 Le lendemain, un peu avant midi, mon collègue Karim m'interpella alors que j'étais dans la réserve, en train d'empiler des muffins et autres cookies dans une boîte en carton :

« Hey, D ! »

Je levai les yeux sur lui, qui s'était arrêté à mi-chemin de l'escalier.

« Hey, Karim ! Qu'est-ce qu'il y a ? lui demandai-je.

─ Quelqu'un qui veut te voir...

─ Oh, j'arrive. »

Sûrement mon Alessio ?? Je remontai les escaliers en courant à sa suite et, jetant un œil vers la caisse, je découvris Mathilde, tout élégante dans son manteau bleu marine coûteux. Elle me fit un petit signe de la main.

« Je prends ma pause, OK ? annonçai-je à Karim, réprimant ma déception tant bien que mal.

─ Yup, vas-y. »

Je rejoignis Mathilde et lui souris brièvement. Le cœur n'y était pas. J'étais plutôt contente qu'elle soit passée me voir, mais la désillusion que ce ne soit pas Alessio était intense.

L'heure bleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant