L'heure bleue

7

Évidemment, au fur et à mesure de nos sessions de révisions, j'avais vite remarqué qu'elle me plaisait. Elle plaisait à tout le monde de toute façon. Mais là, ce n'était pas pareil. Il y a plaire et plaire. Et elle me plaisait, vous comprenez ?

C'était catastrophique.

Je n'écoutai strictement rien de toute la matinée. Les choses empirèrent quand je retrouvai Antoine, Thibaut, Jules et quelques autres au self pour le déjeuner.

« Hey, Alessio. Mathilde te kiffe, me lança André en guise de bonjour.

─ Hein ? bafouillai-je, paumé. Mathilde ?

─ C'est officiel. On l'a grillée à parler de toi à Lucie ce matin. Elle va venir te voir à ce qu'il paraît, parce que, je cite, « on n'est plus des gamins ». »

Les autres s'esclaffèrent et me vannèrent tant et plus. Je restai muet. Mathilde ??

Mathilde était plutôt sympa, dans le genre fille assez populaire pour parler de son crush devant témoins. Plutôt jolie aussi. Les gars n'y étaient pas insensibles. Elle était toujours super bien fringuée, tops moulants assumés, maquillage bien posé et sublimant – loin des jeans déchirés de Dani, de ses boucles en tire-bouchon, de son carbon eye-liner et du gloss à la framboise qui lui tenait lieu de tout maquillage. Combien de fois je l'avais vue se rafraîchir avant de rejoindre Jose, Bertrand, Tom et Bidule et Machin ? En trente secondes elle était prête, elle pétillait, elle riait. Et toujours son parfum de pêche vanille qui donnait envie de...

AU. SE.COURS.

Même Mathilde me faisait penser à Dani. Je pensais tout le temps à Dani. « On se voit beaucoup trop » réalisai-je dans un sursaut, en plein cours d'anglais. Je passais trop de temps avec cette fille. D'ailleurs ce n'était pas une fille, mais mon prof particulier, une étudiante en fac de maths de vingt-trois ans, peu sérieuse et trop portée sur l'égocentrisme. Pas une fille. Un danger pour mon équilibre mental, plus certainement.

**

Comme prévu, Mathilde vint me trouver. Elle attendit le vendredi soir pour me donner rendez-vous au centre commercial. J'avais prévu de l'argent, pour après : manger un bout, peut-être un ciné aussi, et un dernier verre ? Qui sait.

Elle arriva en retard. Elle portait un jean moulant noir et un T-shirt sous une veste en cuir. Je la détaillai. Elle avait de jolies formes. J'aimais le fait qu'elle soit presque aussi grande que moi, même si j'ai un faible pour les filles plus petites en général. Ca lui faisait des jambes interminables. Elle s'arrêta juste devant moi, me parla de je sais pas quoi. Je répondis. On erra dans les allées du centre commercial en riant. Lorsqu'on marchait, nos bras se rentraient dedans. Ce n'était pas désagréable. Elle me dit avec les yeux que je lui plaisais. Je répondis par un baiser, pour voir si c'était réciproque.

Je ne ressentis pas grand chose.

Je me doutais que ça ne durerait pas plus de quelques semaines.

Mais Mathilde me plaisait bien et surtout, surtout...

Ca m'occuperait la tête.