L'heure bleue

27

Alessio

A 8 heures 28 tapantes, je me garai devant le grillage qui entourait la propriété et jetai un coup d'œil à la maison à travers le pare-brise, me penchant sur le volant. C'était une grande baraque à deux étages, flanquée d'un immense jardin très bien entretenu. J'ouvris le portail qui, parfaitement huilé, ne laissa échapper aucun grincement et remontai à grands pas la contre-allée qui bordait la pelouse tondue. Lorsque je sonnai à la porte, j'entendis la sonnette se répercuter dans toute la maison.

Quelques instants plus tard, le battant s'ouvrait sur une fille enveloppée dans un peignoir étroitement noué, les cheveux bruns ondulés encore mouillés de la douche. Elle m'observa attentivement et croisa les bras sur sa poitrine.

« Salut, Lisa, dis-je prudemment.

─ Salut, Alessio.

─ Ravi de te rencontrer.

─ Ouais. De même. »

Petit silence assez froid. Ce n'était pas ça qui allait m'impressionner.

« Je suis venu voir Dani, fis-je savoir à Lisa.

─ Je m'en doute. Mais je crois que ça va pas être possible, en fait. Dani veut certainement pas te voir.

─ Lisa... il faut vraiment que je lui parle.

─ Désolée, Alessio, je crois que t'es venu pour rien... tu devrais lui laisser du temps, au lieu de rappliquer ici aussi vite.

─ Non. Certainement pas. Laisse-moi entrer, s'il te plaît. Je lui parle et je me tire. Promis. »

Elle hésita, avant d'ouvrir plus grand la porte et de disparaître à l'intérieur. Je la suivis et claquai le battant derrière moi.

Lisa traversa une entrée bien ordonnée qui s'ouvrait sur un vaste salon pourvu d'une cheminée ouvragée. Un ordinateur portable était allumé sur la table, à côté d'une tasse qui fumait encore.

« Un capuccino ? Me demanda-t-elle en me faisant signe de m'asseoir.

─ Heu... non merci. Où est Dani ? Elle dort encore ?

─ Dani n'est pas là. Elle est partie acheter des croissants en ville avec Bruno. Ils vont pas tarder.

─ Ah. OK. Cool. T'as vraiment une jolie maison.

─ Merci ».

Je me mis à aller d'un fauteuil à un autre, contournai la table basse, ramassai un magazine de photos qui traînait dessus.

« Ce devait être difficile au début quand tu travaillais encore à Paris, non ? Lançai-je en soulevant puis reposant une babiole sur le manteau de la cheminée. Tous ces allers-retours en train et voiture...

─ C'était chiant, oui. Ecoute, Alessio... Assieds-toi et arrête un peu de gigoter, tu veux ? T'es plus grand que je ne pensais, tu me stresses à tourner en rond comme ça. »

Avec un soupir, je me laissai tomber sur la chaise à côté de la sienne et me prit la tête entre les mains. J'étais un peu nerveux.

Lorsque je relevai le nez, je surpris Lisa occupée à m'étudier du regard, l'air mi-figue mi-raisin.

« Quoi ? Fis-je.

─ Je vais te parler franchement. Dani est heureuse avec toi... Mais hier, je l'ai récupérée... comment dire ? Ca faisait longtemps que je ne l'avais pas vue comme ça. Il faut que tu fasses très attention avec Dani. Elle est fragile, beaucoup plus qu'elle ne le montre.