Alessio revenait vers moi. Je cherchai quelque chose à dire, n'importe quoi, pour dissiper mon trouble :
« La distri ne commence que dans... (je consultai ma montre) quarante-cinq minutes. Les autres bénévoles devraient pas tarder.
─ Pas de problème, on n'est pas pressé avec Nico. On a toute l'après-midi.
─ Bon. Tu veux un chocolat chaud, en attendant ? »
Nous nous rendîmes dans la cafet', où j'avais pris nombre de mes repas en venant travailler ici. Il y avait pas mal de monde, des employés des autres entreprises, et le bruissement des rires et des conversations couvrit le grincement de ma chaise lorsque je la tirai. Nous nous assîmes à une petite table près de la fenêtre, l'un face à l'autre, comme ce soir-là dans Paris. Alessio avait retiré son bonnet, et ses cheveux rebiquaient dans tous les sens. J'eus envie de les remettre en place, d'y passer de nouveau la main, mais je me contentai de serrer mon gobelet dans ma paume. Je baissai les yeux. La surface du chocolat vibrait au rythme de mon pouls. Je sentais qu'Alessio me regardait. Je finis par relever la tête. Son expression était neutre, mais je savais qu'il savait que je n'y tenais plus.
« Alessio... »
Je croisai les bras sur ma poitrine. Il fit de même, lui aussi sur ses gardes, comme mon reflet dans le miroir.
« Je t'écoute.
─ Très bien. (Je posai mon gobelet sur la table). Pourquoi tu m'as proposé un verre, ce jour-là ? Tu pouvais juste faire semblant de rien. Ou à la limite, me dire bonjour et c'est tout. J'aurais compris, vu ce que j'ai fait y'a trois ans. En revanche, je n'ai pas compris pourquoi tu m'as invitée. »
Ma question ne parut pas le surprendre, mais il prit le temps d'y réfléchir quelques instants avant d'y répondre.
« Je t'ai demandé si tu voulais boire un verre parce que j'étais content d'être tombé sur toi, Dani. D'autant que c'est vraiment bête : je suis passé je sais pas combien de fois devant ce Starbucks après les cours, et il m'est jamais venu l'idée d'y entrer. Il y en a un autre plus bas dans l'avenue que je préfère. C'est mon pote Léo qui voulait absolument son Mocha... il voulait pas attendre. Bref.
─ Ben, comme tu ne m'as jamais écrit en trois ans... je pensais que tu m'ignorerais si jamais un incident de ce genre se produisait. »
Alessio porta la main à sa nuque.
« Ce n'est pas mon genre d'ignorer les gens, Dani. C'est plutôt le tien, à vrai dire ! »
J'encaissai sans un mot, parce qu'il avait raison.
« Je ne t'ai pas écrit, de un, parce que tu ne voulais pas que je t'écrive. Ça me semblait assez clair. J'y ai pensé une fois ou deux, à te contacter je veux dire, mais je n'étais pas sûr de l'idée, vu comment... enfin... on s'est quitté. Ensuite, je n'en avais pas tant envie non plus. Ce n'est pas que je t'en voulais... enfin si je t'en voulais, mais c'est surtout que j'étais tellement déçu de ton attitude. »
Oh. Ça, ce n'était pas bon pour moi. En effet, la colère passait ; c'était une émotion plutôt éphémère. Mais pas la déception. La déception restait.
« La déception c'est pas simple à gérer, disait justement Alessio, confirmant mes pensées. Puis en passant le temps a aidé... et donc, pour te répondre, quand je t'ai vue dans ton Starbucks, ça ne m'a pas posé problème de te proposer ce verre. J'étais surtout curieux de savoir ce que t'étais devenue. Je te l'ai déjà dit, c'était pas pour te courir après. »
Nous ne dîmes rien un instant, chacun perdu dans ses pensées. Finalement, je lui souris timidement.
« Tu sais, je suis contente que tu l'aies fait. Je n'en revenais pas de te voir là. En plus, j'étais affreuse. »

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L'heure bleue
Roman pour AdolescentsDifficile pour Alessio de ne pas craquer pour Daniela, une étudiante qui l'aide en sciences. Elle est jolie, sûre d'elle, sexy... et surtout de cinq ans plus âgée que lui. Résultat, il a la nette et douloureuse impression de n'être qu'un gamin à s...