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Alessio

   Je m'assis à la place exacte que j'avais occupée plus de six semaines auparavant avec Vi et Paul, en tombant par hasard sur Dani.

   En ce temps-là, j'avais choisi ce siège en particulier parce qu'il offrait une vue parfaite sur le bar, derrière lequel elle préparait les boissons des clients. Je le choisissais ce matin-là pour l'exacte foutue même raison.

  J'allumai mon ordi. Il fallait à tout prix que je termine la dissertation pour le cours d'anglais avant demain. J'avais pris de l'avance au début de la semaine, heureusement... mais, là, je savais déjà que j'allais galérer. Je reconnais que j'avais bien du mal à détacher mon regard de Daniela, distrait par la façon dont ses cheveux relevés dégageaient son cou gracile et mettaient en valeur ses extraordinaires yeux sombres. Elle avait les joues un peu rosies à cause du chauffage ; je trouvai ça adorable. Bon sang comme elle était belle ! Ce n'était probablement pas très malin d'avoir séché le groupe d'études avec qui j'avais rendez-vous à la BU pour l'accompagner ici, mais... difficile de résister à l'idée de passer quelques heures de plus en sa compagnie. Enfin, façon de parler : elle travaillait, elle.

J'avais laborieusement tapé deux paragraphes lorsque je la vis s'éloigner du comptoir pour se diriger vers moi en souriant, un gobelet à la main.

« Caramel Macchiato pour 'Lessio, chantonna-t-elle joyeusement.

— Mais j'ai rien commandé du tout.

— Comme si t'avais besoin ! »

   Le fait qu'elle se souvienne que c'était ma boisson préférée à Starbucks me fit plaisir. Je tendis la main pour prendre le gobelet. Nos mains se touchèrent. Juste avant de plonger ma paille dedans, je vis qu'elle avait tracé un cœur avec le caramel. Roh ! Mignon. Ca me fit sourire. Sans la moindre hésitation, je le transperçai avec ma paille.

« Merci bien, mademoiselle le lutin, dis-je pour la taquiner, et je pris une gorgée.

— Toujours le mot pour m'embêter, hein ? Heureusement que qui aime bien châtie bien, pas vrai, M. le Relou...

— C'est gratuit, la boisson, ou quoi ?

— Bah bien sûr que c'est gratuit, Alessio ! S'offusqua Dani.

— C'est vrai ? Tu essaierais pas de corrompre mon âme innocente pour me faire payer en nature ensuite, hein ? »

  Sur quoi je lui pinçai la fesse. Elle poussa un petit glapissement surpris et rougit légèrement. Comme je m'y attendais. Je me retins de rire. Putain, je ne m'en lassais pas ! Plus elle rougissait quand je la taquinais, plus j'avais envie de le faire. Elle était trop mignonne lorsqu'elle devenait toute timide comme ça à cause de moi. Ca me donnait envie de prendre soin d'elle.

« Arrête, sombre imbécile, y'a mon manager ! »

Je jetai un coup d'œil vers le bar. Ledit manager ne regardait absolument pas dans notre direction. Il était occupé à servir un type en costard cravate.

« T'inquiète, il a mieux à faire que de nous épier. (Je poussai la chaise près d'elle avec ma botte). Tu t'assois deux minutes ?

— Non ! Je suis au boulot, là.

— Mais y'a personne, mon petit chou à la crème. »

J'observai attentivement l'expression de son visage pour voir si elle aimait que je l'appelle comme ça, ou non. Je vis un sourire s'allumer dans ses beaux yeux. Apparemment, c'était oui. Je me marrai. Elle était tellement réceptive.

« Tu peux bien t'asseoir une minute », insistai-je.

  Je lui décochai mon sourire le plus redoutable ; seule ma mère était capable d'y résister, à celui-là. Dani secoua la tête d'un air moralisateur mais se laissa quand même tomber sur la chaise. Qu'elle se sente assez bien avec moi pour me suivre dans mes bêtises jusque sur son lieu de travail m'emplit d'une satisfaction certaine. D'un sentiment de puissance non moins certain, aussi. Elle croisa les bras sur sa poitrine et me dévisagea. J'affectai une moue innocente tout en sirotant ma boisson.

L'heure bleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant