Épilogue

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Kaziski Jolie, 29 décembre

« Joyeux anniversaire, Alessiooo ! Youhouuuu ! »

« J'ai vingt-deux ans » se dit pensivement Alessio alors que tous ses amis l'acclamaient joyeusement en lui donnant des claques dans le dos et en riant à qui mieux-mieux.

  Il avait vingt-deux ans, avait terminé ses examens et fêté Noël en famille, était en vacances, mais il ne ressentait rien ces derniers jours, à part une grande lassitude venue d'on ne sait où.

« Ca va, Alex ? » lui demanda Chloé, posant brièvement la main sur son genou, sous la table.

  Il tourna la tête vers elle. Elle était assise à son côté sur la banquette et le fixait de ses grands yeux bleus. Toujours si inquiète pour lui. Elle avait crié pour se faire entendre par dessus la musique. Il se pencha vers elle et l'embrassa tendrement sur la joue. L'odeur de sa crème hydratante lui chatouilla les narines.

Chloé rosit joliment lorsque ses lèvres effleurèrent sa peau.

« Je reviens » dit Alessio à son oreille pour qu'elle l'entende malgré le bruit ambiant.

Il avait le nez dans ses cheveux blonds qui sentaient la vanille ; Chloé hocha la tête en rougissant davantage.

  Alessio se leva de la banquette où Jules, Soraya, Dennis, Antoine et leurs autres amis s'étaient réunis pour fêter son anniversaire. Il s'éloigna vers le bar, où il commanda un whisky-coca à Paul, qui lui fit un clin d'œil taquin.

« Ça reste gratuit, alors profite, hein ! » lui lança celui-ci par dessus le brouhaha de la foule présente.

  Au moment où Alessio allait repartir avec son verre, il croisa Magali qui venait s'appuyer au bar. Il lui sourit. Magali lui retourna un bref sourire, qui n'était ni engageant ni froid, mais n'invitait clairement pas à la discussion. Bien qu'elle ait répondu présente à son pot d'anniversaire, elle lui tourna presque le dos pour observer Paul qui préparait son cocktail avec des gestes précis et gracieux.

C'était la première fois qu'il la voyait depuis la patinoire, et elle lui en voulait un peu, de toute évidence.

  Alessio ne put s'empêcher de lui toucher l'épaule pour attirer son attention, ignorant son langage corporel qui lui indiquait qu'elle ne voulait pas vraiment parler.

« Comment ça va, à la maison ? » demanda Alessio.

Magali leva lentement les yeux sur lui.

« Tu veux dire, comment va Dani, c'est ça ?

─ Peut-être bien, ouais.

─ Ben Alessio, ça te concerne plus trop, non... ? »

Elle n'avait pas l'air content. Alessio prit une gorgée de son whisky-coca. Non, ça ne le concernait plus trop, en effet. C'était de bonne guerre que Mag réagisse ainsi, estimait-il.

« Attends » dit Magali alors qu'il faisait demi-tour.

 Alessio haussa un sourcil interrogateur à son adresse.

« A vrai dire, je ne sais pas comment elle va, dit Magali, l'air tout attristé soudain.

─ Comment ça, tu ne sais pas ? Répéta lentement Alessio.

─ Je ne sais pas parce que j'ai pas de ses nouvelles. »

Alessio ne comprenait pas. Il sentit un froid commencer à le gagner et posa son verre sur le bar.

« Elle est pas rentrée ? Ca fait dix jours déjà, non ? Sa conférence est finie, il me semble ?

─ Oui, sans doute, mais... la dernière fois que je lui ai parlé, le jour où elle est partie, elle ne savait pas quand elle rentrait à Paris, à vrai dire.

─ Quoi ? Mais va bien falloir qu'elle paie sa part du loyer, non ? Comment tu vas faire, sinon ? Elle va pas tarder à revenir. »

Si Alessio entendait la panique monter dans sa voix, Magali aussi. Il s'efforça à la neutralité.

« Elle va m'envoyer un chèque par la Poste pour ça. Alessio... on va rendre l'appartement, Dani et moi. Dans trois mois, je pense. Je suis quasi certaine que Dani va me demander de poser le préavis, bientôt.

─ Hein ?! »

Alessio pensa avoir mal entendu, mais son cœur qui fit un saut périlleux dans sa poitrine lui indiqua que si, il avait parfaitement entendu. Magali lui offrit une moue désolée.

« Ecoute, je pense que Dani ne reviendra pas à Paris avant longtemps. Je pense même qu'elle va rester vivre au Brésil, dorénavant. Je pense que c'est ce qu'elle veut. Joyeux anniversaire, Alessio », ajouta Magali.

  Elle se mit sur la pointe des pieds et l'embrassa sur la joue.

  Oh... oui, joyeux anniversaire.

  Alessio observa son verre à moitié vide et prit une inspiration. Tout à coup, la pression constante dans sa poitrine, le vide de l'absence de Daniela provoqué par ce qu'il avait lui-même dit à Daniela à la patinoire se fit nettement plus intense que ce à quoi il s'était accoutumé. Dani n'allait pas revenir ? Il ne la reverrait plus ? Il n'avait pas prévu ça. Il pensait qu'il la recroiserait tôt ou tard, par la force des choses. Après tout, ils avaient le même cercle d'amis, alors...

  Bien sûr, il avait prévu de continuer à prendre ses distances, parce qu'il le fallait bien, mais... ça ? C'était inattendu. Inattendu et très douloureux. A dire vrai, l'idée de ne plus la revoir du tout menaçait de le plonger dans un abîme de tristesse et de désarroi.

Il tâcha de ne rien en laisser paraître ; Magali l'observait attentivement. Alessio prit doucement son visage entre ses mains et l'embrassa sur le front.

« Merci, Mag », dit-il en réponse à son vœu d'anniversaire.

Elle lui sourit, hocha la tête et reporta son attention sur Paul qui lui tendait un beau cocktail multicolore.

  Alessio reprit son propre verre et en but une gorgée.

  Elle était partie sans lui dire au revoir. Exactement comme la dernière fois, et ça lui nouait la gorge et lui broyait les entrailles.

  Exactement comme la dernière fois.

  Mais rien de tout ça ne le concernait plus. Ca n'était plus son problème.

  Il savait qu'il avait pris la bonne décision les concernant, lui et Dani.

  En fondant la foule dansante pour revenir vers ses amis, Alessio se fit la réflexion presque coupable qu'il aurait tout donné à ce moment-là, tout ce qu'il possédait, pour pouvoir dire au revoir à Daniela.

 Alors il le fit.

 Pour lui-même.

 « Au revoir mon amour » murmura-t-il.

L'heure bleueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant