18-La demoiselle en robe fleurie.

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Un après-midi des plus communs, dans ce petit quartier de Banco Nord, le sourire aux lèvres, il ressortait accompagné d'un fidèle associé de son père. Il était surtout heureux parce qu'il venait enfin de finir avec cette virée-business qu'il n'avait jamais voulue. Il était aux anges parce qu'il allait enfin rentrer annoncer à son père – encore une fois – qu'il n'était pas intéressé par l'entreprise familiale. Il avait ses propres ambitions et comptait bien les mener à bien.

Mais alors qu'il serrait la main à monsieur Koné, il reconnut au loin cette petite silhouette qui ne lui était pas étrangère. Elle venait de raccompagner une amie. Et de cette démarche dont il pouvait se vanter d'avoir été témoin, elle ratrappa un portail bleu roi et disparut derrière la clôture épaisse. Il aurait soudainement aimé avoir des yeux lasers pour transpercer les murs et continuer de la contempler.

Résigné, il se posa dans le siège de sa vieille Ford Ranger. Il pensa quelques secondes puis démarra. Mais au moment où il allait dépasser la cloison le portail bleu, il freina. Mamadou ne pouvait pas laisser passer cette occasion.

Il claque la portière et monta la petite pente qui menait au portail. Il allait appuyer sur la sonnette lorsqu'il remarqua une entrouverture. Il poussa alors tout simplement et l'accès à la maison fut aussi facile.

La cour était plutôt bien animée. Et il y avait trois compartiments différents dans l'enceinte: un bâtiment central et des bâtiments latéraux coupés en pièces. Des entrée-coucher à gauche et sans doute, des chambre-salon à droite. Il s'agissait d'une colocation.

Il s'approcha de la personne la plus proche. Penchée dans sa bassine, elle faisait la lessive en chantant comme une casserole.

- Excusez-moi.

Apparemment sourde mais pas muette, la demoiselle ne semblait pas l'avoir entendu.

- Mariame! Interjecta une femme assise un peu plus loin.

Au pied de l'une des portes, son mamelon allait et revenait entre les lèvres d'un nourrisson. Ses semblaient avoir fait toutes les guerres.

- Ouais!

- Un mɔgɔ est en train de te kouman![Un monsieur te parle!]... Tu es sourde ou quoi?

Ce ne fut qu'à ce moment là qu'elle se tourna enfin vers lui. Franchement? Il n'avait jamais essayé d'expliquer cette scène des plus étranges.

- Bonsoir mademoiselle.

- Oui bonsoir... Monsieur, répondit-elle en le toisant de bas en haut.

- Euh... Je suis à la recherche d'une fille: elle est petite, claire, avec de longues tresses rouges au vin et...

- Ah. Bineta.

- Euh oui... Je suppose.

- Hum tu supposes... Vas là bas, à la porte du proprio.

- Euh... Du proprio?

- Oui. Là, indiqua-t-elle le bâtiment central.

- D'accord. Merci bien.

- J'espère que tu es armé jusqu'aux dents dè, marmonna-t-elle en soulevant une bassine pleine d'eau sale.

- Un proprio difficile?

- Que quoi? On a jamais connu un proprio aussi compréhensif.

Cette remarque lui avait fait rire. Cela ne faisait qu'annoncer le sacré caractère de la petite demoiselle qu'il avait failli renverser. Il s'aventura alors et toqua à la porte.

Au bout de quelques secondes, elle s'ouvrit sous ses yeux. Il était directement tombé sur elle, vêtue d'une robe fleurie qui effleurait ses genoux. Elle était encore plus belle qu'il ne l'avait devinée à distance.

- Bonjour mademoiselle.

- Oui bonjour monsieur, répondit-elle sur un ton hésitant. Que puis-je pour vous?

- Vous ne semblez pas me reconnaître apparemment.

- On se connaît?

- Non pas vraiment mais... J'ai failli vous renverser il y a deux jours.

- Ah. Jeta-t-elle avec hostilité.

Sous le regard dédaigneux de Bineta, Mamdou narra leur première rencontre.

- ... Vous m'aviez lancé l'un de ces regards noirs. Et là je me suis dis tiens, il faut que je revois cette femme.

La petite ivoirienne mima un non de la tête, toisa le jeune homme et lui claqua la porte au nez.

Il était tenté de piquer une crise d'égo, mais au lieu de cela, il se jura de l'avoir. Mais en attendant, il devait assumer cet affront. Il prit sa défaite très sportivement. Au moins, il savait désormais où la trouver. Et... Il connaissait son prénom: Bineta. Il avait aussi découvert que son père était propriétaire de cette maison où ils vivaient avec leurs locataires. Il n'avait pas perdu son temps du tout.

En rejoignant l'intérieur, Bineta se fut interroger par son père.

- Alors, c'était qui à la porte?

- Encore un idiot, avait-elle vaguement lâché en se rasseyant dans l'un des sièges.

Son père habitué à son humeur massacrante, n'avait fait que sourire. Si elle disait que c'était un idiot sur ce ton là, cela ne voulait dire qu'une chose. Il s'agissait d'un prétendant qui, comme tous les autres, passait pour un imbécile aux yeux de Bineta.

Quelque part, il était fier qu'elle ne se laisse pas berner par les garçons. Mais Bineta avait tout de même vingt ans. Il était peut-être temps qu'elle baisse un peu sa garde et donne une chance à l'un de ces «imbéciles».

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant