62- Le terrible secret de la benjamine.

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« Tu peux cacher toute la vérité à une partie du peuple, mais seulement une partie de la vérité à tout le peuple indéfiniment. »

Karidja voulait juste qu'on lui dise la vérité. Était-ce trop demander que vouloir comprendre pourquoi Bineta en voulait tant à leur mère?

- De quoi parles-tu bìn?

Idja quitta les bras de son aînée en effaçant la nouvelle larme qui venait de couler.

- S'il te plaît grande-sœur, je mérite de savoir. Tu ne penses pas que j'ai le droit de savoir comme vous toutes ici? Je sais que vous pensez tous que je suis trop fragile, etc mais... ce n'est pas une raison pour me traiter comme une idiote.

- Idja...

- Non grande-sœur. Vraiment. Je suis fatiguée... Au début, je pensais que tu cachais la vérité à notre grande-sœur aussi. Mais j'ai fini par comprendre qu'elle était au courant. Je me sens exclue. Mets-toi à ma place un peu.

Bineta pouvait dire adieu à son combat. Celui qu'elle menait depuis si longtemps pour que Karidja ne finisse par détester leur mère comme elle. Mais même si elle était au pied du mur, elle n'était pas obligée de tout dire, pensa-t-elle. Alors, elle réfléchit. Que pourrait-elle dire d'assez grave pour justifier son comportement sans heurter la jeune femme?

- Au début... je n'ai rien voulu dire à Limata non plus. Je voulais vous protéger toutes les deux. C'était seulement avec moi qu'elle était dure alors... je ne voulais pas vous embarquer dans ce que j'endurais... Je me disais qu'avec le temps, je finirais pas faire en sorte qu'elle soit moins dure parce que... je me convainquais que le problème venait de moi.

- Et qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis pour grande-sœur?

- Je n'ai pas trop eu le choix. Elle m'en voulait, elle ne voulait plus me parler alors... j'ai dû lui expliquer pour qu'elle comprenne que je ne vous avais pas abandonnées... J'étais partie parce que j'avais mal.

- Et papa, il ne t'a jamais rien fait lui. Pourquoi manquer son enterrement?

- Papa n'y était pour rien.

- N'nan...

- Elle m'en voulait.

- Mais pourquoi?

- Je suis née à une période de sa vie où elle ne m'attendait pas vraiment. En fait... je suis un accident.

- Ne dis pas ça.

- Mais c'est vrai et... d'ailleurs, c'est pour ça qu'elle était aussi dure avec moi. J'avais brisé ses rêves. Elle était promue à un poste qu'elle avait toujours rêvé mais mon arrivée lui a fait perdre son boulot.

Dans ses mots calculés, Bineta faisait de son mieux pour endosser toute la responsabilité. Il ne fallait surtout pas que sa petite-sœur en vienne à juger leur mère. Ce serait une porte ouverte au mépris.

- Mais je ne vois toujours pas le rapport avec papa. Et puis, je ne comprends pas pourquoi tu lui en as voulu au point où il ait fallu te supplier pour que tu viennes rester à son chevet.

- Le lendemain de mon mariage, je reçois un appel de Sali m'informant du décès de papa... Mais à mon arrivée à l'hôpital, maman m'a fait comprendre que tout était de ma faute.

- Comment ça?

- Papa ne s'était pas fait à l'idée de mon départ. J'étais carrément dans un autre pays et... on ne risquait pas de se voir souvent. Tu sais comment il était avec nous, ses filles. Elle m'en a voulu parce qu'elle tenait à papa et que... j'étais responsable de son départ.

- Mais non, ne dis pas ça.

- Mais elle avait raison, tu sais. J'aurais dû faire les choses doucement... On aurait pu rester quelques jours à Yop City, histoire qu'il se fasse petitement à mon départ mais... on est directement partis.

- Ce n'est pas ta faute han nan'w.

- À qui est-elle alors?

- À personne. À personne, personne n'est coupable de ce qui est arrivé. C'était un terrible accident. Il s'est... trompé de sauce. Ce n'est la faute à personne.

- ... Elle m'a ordonné de m'en aller et d'oublier que j'avais une mère.

Une vérité déguisée.

- Elle n'a pas pu aller aussi loin.

- Non non, je suis sûre qu'elle avait dit ça sous le coup de la colère...

Menteuse!

- Mais moi j'ai tout pris au sérieux parce que j'étais mal... Et je suis partie, j'ai effectivement considéré que je n'avais plus de mère... Je n'ai pas pu affronter ma culpabilité, c'est pour ça que je n'ai pas eu le courage de venir enterrer papa. Je m'en voulais. Je ne me sentais pas digne d'être là et... je n'avais pas la force de revoir n'nan. Je ne voulais plus rien avoir à faire avec elle.

- Et c'est aussi pour ça que tu as oublié tes sœurs.

- Je ne vous ai jamais oubliées bìn. Vous étiez toujours dans mes pensées, même papa... Mais revenir à vous, c'était revenir à la femme que je ne considérais déjà plus comme ma mère... Alors j'ai choisi de fuir... Je te demande pardon à toi aussi, je n'aurais pas dû.

- Je suis désolée pour tout ce que tu as enduré grande-sœur. Tu as dû te sentir mise à l'écart toutes ces années mais... n'nan t'aimait malgré tout.

- Je le sais bìn, moi aussi je l'aimais.

Idja plongea à nouveau dans la paire de coussins qui bombait le torse de Bineta. Cette dernière, soulagée d'avoir quand-même réussi à préserver l'esprit de sa jeune sœur, souffla silencieusement avant de laisser couler une larme clandestine dans les cheveux de Karidja.

- Allez viens ma fille, on va se coucher.

Avec hésitation, Idja suivit son aînée. Elles quittèrent la pièce en éteignant et se dirigèrent vers la chambre de Limata. Si Idja devait aller mieux, ce n'était pas en la laissant rester dans la chambre de leur mère qu'elle y arriverait. Elle devait décrocher, changer d'air.

Au fond d'elle, la benjamine sentait que toute la vérité ne lui était pas dite. Alors elle capitula, du moins, pour l'instant. Peut-être parce que au fond d'elle, elle craignait de découvrir sur sa défunte mère, un secret qu'elle n'était pas encore capable d'encaisser. Après tout, Fanta savait parfaitement que leur père n'était pas mort accidentellement. Cette soupe, c'était Idja qui l'avait faite. Elle avait soigneusement écrasé les crevettes séchées elle-même. Elle connaissait par cœur les allergies de son père. Et pourtant... elle la lui avait servie avec son éternel sourire innocent. Autant qu'elle, sa mère savait parfaitement que Karidja avait tué son géniteur de sang froid.

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Surprise! Surprise! Se pourrait-il que notre charmante petite Idja ne soit en réalité qu'une meurtrière? Je vous laisse découvrir par vous-même.
En attendant, vos votes et vos commentaires sont ma force☺

Figurez-vous que j'ai failli oublier de publier le chapitre-ci😂. En tout cas, on se coince vendredi prochain😉

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant