57- Tu m'as abandonnée, de nouveau.

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Cinq ans auparavant, Mamadou et Bineta n'avaient encore imaginé que leurs chemins ne demeureraient point séparés. Parce que, même si Salimata n'avait jamais été fan de Mamadou, car le trouvant louche, indigne de confiance, un étranger qui prétendait avoir de bonnes intentions à l'égard de sa sœur, elle s'était tout de même jointe à Idja pour convaincre Bineta d'accorder à Mamadou, une chance de s'expliquer. Sa raison lui dictait de laisser une chance à Mamadou: il ne serait pas revenu s'il avait réellement voulu abandonner Bineta.

Et si au début, la deuxième née de la famille ne voulait rien savoir, ni le voir, parce qu'elle lui en voulait à mourir, elle avait fini par avoir peur de le revoir. Elle craignait qu'il la haïsse à son tour, pour n'avoir pas laissé sa grossesse aboutir. Mais Salimata l'encourageait:
« Donne-toi une chance Bineta, ne sois pas si dure avec toi-même. »

Mamadou était revenu le lendemain, comme il l'avait promis à Karidja. Et cette fois-là, le père de famille était sur les lieux.
Il avait toqué à leur porte, et Bineta était allée ouvrir, devinant que ce serait sans doute lui. En l'appercevant dans l'entrouverture de la porte, elle s'empressa de sortir et de la refermer, pour ne pas que son père le voit. Elle était peut-être disposée à l'écouter, mais son père ne serait certainement pas de cet avis. Pour le rallier à leur cause, il aurait fallu qu'elle l'écoute la première, et qu'elle fût assez convaincue pour convaincre son père à son tour.

- S'il te plaît, vas attendre dehors, lui demanda-t-elle à mi-voix.

L'expression du jeune homme signait l'incompréhension.

- Il ne faut surtout pas que papa te voit.

- Et pourquoi donc?

- Parce qu'à côté de ce qu'il te fera, mes gifles ne valent rien. Il te déteste maintenant.

- Je suis disposé à le voir, pour m'expliquer, exactement comme avec toi. Je n'ai rien à me reprocher.

- C'est ça, continue de faire le garçon. Ce n'est pas parce que tu as connu mon père tout souriant que tu dois penser le connaître. À la minute où il te voit, tu es mort. Il ne prendra même pas la peine de t'écouter.

- Bineta! Qui est là?

- ... C'est une collègue papa! Je reviens t'expliquer!

Ne percevant aucune réplique venant de son père, elle conclut que ce dernier avait mordu à l'hameçon.

- Vas - m'attendre - dehors. Maintenant si tu veux jouer les martyrs, attends que mon père vienne te trouver ici.

Sur ces mots, Bineta tourna ses talons et entra dans le séjour. Prétextant une importante activité improvisée, à laquelle il lui serait bénéfique de participer pour sa formation, Bineta obtint l'accord de son père pour partir avec sa "collègue". Sita, fut le nom dont elle usa pour s'échapper.

- Ah mais, qu'elle entre un instant ton amie Sita. Elle a peur de me saluer maintenant?

- Mais non papa, ne dis pas n'importe quoi. On est juste pressées, c'est tout.

Elle déposa un rapide bisou sur la joue café de son papa, contourna la table basse et accéléra ses pas. Mais son père l'interpella:

- Bineta.

Elle se sentait prise au piège, et si son papa avait découvert le pot aux roses?

- Oui papa, répondit-elle dans un pivot rapide.

- Fais attention à toi.

Traduction: ne te fais pas avoir par les autres dragueurs qui courent nos rues. Je ne l'accepterai pas une seconde fois.

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant