97 - La nouvelle maîtresse.

38 3 0
                                    

La sirène qui se faisait désirer toute la journée avait enfin retenti!

Des cris de joie secouaient tout Antoine- De-Saint-Exupéry. C'était tout de même vendredi! Et quand venait le week-end, tout St-Louis devait être mis au courant. Bonjour le repos. Bye bye les maîtres et les maîtresses!

Ça courait de partout. En robe ou en jupe, en culotte ou en salopette. Des chaussures aux pieds en tout cas. Les uns, souvent les plus vieux, formèrent aussitôt des groupes, en direction de la maison. Les plus petits étaient beaucoup moins autonomes. Les autres s'asseyaient tout simplement, attendant qu'on vienne les chercher.

Mais il n'y en avait qu'une seule aux  yeux de Bineta. Elle courait elle aussi, le sourire jusqu'aux oreilles, la joie au cœur.

- Maman! S'écria-t-elle en s'écrasant dans les bras de Bineta.

- C'est qui çaaa?

- Maman, maman, maman! On est vendredi!

- Oui ma chérie, je sais.

- On - va - pouvoir - joueeeer! S'écria-t-elle au rythme de son sautillement.

Bineta s'esclaffa.
Le bébé qui parlait à peine, s'était très vite avéré aussi pétillant que sa mère. Tous les jours pour elle, suffisaient à s'amuser, courir, jouer, danser, taquiner, quereller, manger, sauter, crier, juste vivre. Elle nouait diablement vite des relations avec ses petits semblables. Avec les adultes aussi, elle était loin de garder sa langue dans sa poche. Son accent n'était pas du tout clair, entre l'ivoirien et le sénégalais. Et cela la rendait encore plus mignonne qu'elle ne l'était déjà. Elle était à mi-parcours du cours préparatoire, mais elle était plus éveillée que la majorité de ses pairs. Mamadou, pour taquiner Bineta, insinuait souvent qu'elle tenait son agitation d'elle, et son intelligeance de lui.

Astou avait très tôt hérité de l'hyperopie de son père. Ciré et Cissé fréquentaient la même école, mais, Ciré devait attendre que sa mère passe le chercher, et Cissé était convalescent.

Bineta attrapa la petite main de sa fille. Astou trottinait sur ses baskets blanches. Et comme si cela ne suffisait pas, elle chantonnait l'une des berceuses dont elle se rappelait. C'était celle qui la faisait dormir, sa préférée.

‐ Doux chaton, adorable chaton, petite boule de poile... Soft kitty, warm kitty, little ball of purr... Gentil chaton, tendre chaton, purr purr purr... Soft kitty, warm kitty...

- Oh mais vas-y doucement mi bìn[ma fille], je ne peux pas courir comme toi dê!

- Et tout ça c'est à cause de ton gros ventre là dê!

Bineta et son mari en avaient assez entendu, pour ne plus être choqués par ce genre de propos. Et puis, le gros ventre en question, était un sac à fœtus.

Astou s'arracha à sa mère. Elles étaient bientôt arrivées à la voiture de Bineta. Cette dernière télécommanda le déverouillage des portières. Astou s'accrocha, très fort, comme lui avait appris son papa. Et de sa petite main à peine suffisante, elle parvint à ouvrir la portière.

Astou s'installa à l'arrière, dans son siège à réhausseur et adapta solidement sa ceinture de sécurité. Mais Bineta vérifia quand-même qu'elle était bien sécurisée.

En route pour la maison familiale, c'était la discussion coutumière, qui succédait à toutes les journées de cours de la petite. Mamadou venait rarement la chercher, le temps ne le lui permettait pas.

- Alors petite sorcière, c'était comment aujourd'hui à l'école?

Des balbutiements se firent entendre.

- C'était... nuuuul.

- Ah bon? Mais pourquoi ça? Tu n'as rien appris d'intéressant?

- Nooon.

- Ah mais ça c'est grave dè. Votre maître ne vous a rien appris?

- Le maître n'était plus là oh.

- Ayi... Finalement là, vous avez fait quoi de la journée là même?

- La nouvelle maîtresse, elle est pas gentille.

- Nouvelle maîtresse?

- Ouiii... L'autre est partiii.

- Ah ça...

Bineta se posait bien des questions. Surtout, elle espérait qu'il ne soit rien arrivé à cet enseignant. C'était une connaissance à Mamadou.

- Et pourquoi tu la trouves pas gentille?

- Parce qu'elle est méchante!

- Là tu n'as encore rien dit hein bébé, elle t'a fait quoi? Elle a pris ton biscuit?

- Nooon, elle a... Oh la voilà! La voilà!

- Mais où ça?

- La voiture juste devant! Là là là!

C'était une berline vert sombre. La jeune dame, juste à côté, très jolie au passage, dix centimètres au dessus du sol, vêtue d'un palazzo floral, discutait avec un monsieur très chaudement habillé. Un pull-over en plein soleil.

«Les gens ont pour eux aussi dê», pensa Bineta.

- Hum... Elle a l'air gentille quand-même.

- Que gentille, avec sa grosse bouche on dirait claclo¹ chaud là.

- Astou! Où est-ce que tu as appris ça?

- C'est papa, répondit-elle d'un air innocent.

- Tchiiiii... Papa t'a pas appris à insulter ta maîtresse quand-même.

- Non mais papa m'a parlé de claclo chaud. Il a dit que... que, une fois quand vous étiez à Abidjan, à pouyo... non... Yupo... non... popo...

- Yopougon bébé, l'aida-t-elle en riant.

- Voilà! À Yopougon, vous êtes allés manger claclo chaud ensemble.

- Humm... Et puis toi tu as déjà vu ça une fois?

- Ouiii, papa m'a montré une photo de ça.

- Je vois. Et ça te dirait d'en manger?

- Ouiiiiii!

- Super alors, dans ce cas, on en fera demain pour le goûter. Il va falloir qu'on passe au marché après avoir déposé ton petit oncle.

Astou se tourna enfin vers son fameux petit oncle. Elle ne lui avait adressé que de gros yeux depuis son entrée dans le véhicule. Le petit afficha un sourire à fossettes. Et elle lui tira la langue en imitant un strabisme convergent. Birama éclata de rire, cette mélodie dont personne ne se lassait jamais.

Ce n'était encore qu'un bébé de cinq mois, le deuxième enfant de Nikkiki. Eh oui, le vieux ladji ne chômait pas. Bineta, de bon cœur, était allée chercher Birama à la crèche. Oui! À la crèche. Ladji et sa chère trosième épouse se disputaient constamment à ce propos. Mais Nikkiki n'en démordait pas, parce que c'était sa propre mère qui gardait les enfants à la crèche.

Heureusement que Ladji comprenait aussi wolof. Sinon, la communication entre eux, aurait été impossible.

- «Pourquoi laisser l'enfant à des inconnus s'il y a des gens à la maison pour s'en occuper?!»

- «C'est ma mère que tu traites d'inconnue?!»

Franchement? C'était bon pour Ladji. Il était trop vieux pour ce genre de bêtises.

Bineta gara devant la grande demeure de son beau-père.

Agitée comme des notes, Astou se délectait déjà de faire un gros coucou à pépé, mémés, oncles et tantes. Après quoi, elles iraient faire un tour chez la vendeuse de banane plantain.

_______________________

Notre petite princesse a grandi, une future fureur comme sa mère vous croyez😂? Spoiler alert, un tome 2 vous fera découvrir cette petite sauterelle à l'âge adulte. En attendant, Bineta n'est pas au bout de ses peines. Rdv vendredi😉

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant