Mamadou & Bineta 🖤

23-Une vieille grossesse qui aurait pu être désirée.

Mamadou agrippa la main de Bineta.

- Attends... Je sais que ta mère...t'a dit toute une tonne de méchancetés, qu'elle t'a convaincue que tu allais être une mauvaise mère, que ton corps allait changer et que je ne t'aimerais plus. Mais elle t'a aussi dit que tu serais une mauvaise épouse. Et pourtant regarde-toi, tu es une épouse géniale... Tu n'es pas obligée de prendre ces pilules...

Elle laissa son regard se perdre dans le vide un instant.

- Je ne suis pas prête Mamadou.

Puis elle ramena de nouveau son contraceptif à la bouche.

- Bineta... Ne fais pas... Tu l'as fait... Génial.

- Ce n'est pas parce que je me suis confiée à toi, et qu'on est allés dîner ensemble ce soir que tu peux déjà te permettre de décider à ma place.

Elle replaça la plaquette à sa place, poussa sur le battant et regagna la chambre. Il y jeta un œil peu catholique. Et s'il remplaçait les pilules par des inefficaces?

Bineta s'abandonna au lit, presque fâchée contre son mari. Mais lorsqu'elle sentit ce dernier glisser ses mains autour de sa taille, elle laissa un souffle emporter toute la colère qui naissait en elle. Ses yeux se refermèrent, l'emportant dans ce passé qu'elle aurait tant aimé supprimer.

***

Elle avait la nausée les matins, vomissait trop souvent, passait ses journées à dormir, refusait de manger ses plats préférés... C'était devenu une évidence...

Alors qu'elle allait se vider pour la nième fois de la journée, sa mère la poursuivit jusqu'à sa douche.

- Bineta. Qu'est-ce que ça veut dire?!... Bineta je te parle! Tu es tombée enceinte, hein?! Hé-hééé cette fille là m'a déshonorée!... Bineta tu es tombée enceinte sous mon toit?!

Ayant perçu les cris, le père et la benjamine se précipitèrent à l'étage, dans la chambre commune de Bineta et Idja.

Fanta battait déjà Bineta de ses mains peu vigoureuses. La fille se débattait sans succès. Même si elle avait déjà osé la baston avec des garçons, même si elle avait la force nécessaire pour prendre le dessus sur cette mère enragée, elle n'aurait jamais levé la main sur celle-ci.

Bineta avait mal. Pas physiquement. Elle avait mal dans l'âme, dans l'esprit. Pour la nième fois, sa mère lui montrait à quel point elle ne valait rien à ses yeux. Et pourtant... Elle rêvait toujours qu'un de ces jours, sa mère soit enfin fière d'elle.

Le père libéra Bineta des griffes de sa mère.

- Fanta arrête bon sang! Ça suffiit! Ça suffit j'ai dit! Qu'est-ce qui se passe ici?

- Il se passe que ta fille est une traînée!

- Mais que tu racontes quoi?

- Tu n'as qu'à lui demander! Demande lui ce qu'elle a fait! Cette espèce de traînée! Espèce de traînée, je vais te botter! Viens ici je vais te...

- Hé hé hé ça suffit Fanta! Je t'ai dit de te calmer! Tu te calme!

Bineta reprit son souffle et s'assit dans un coin de la douche, juste au bas du lavabo. Elle replaça son pagne. Il l'avait quittée sous les coups de sa mère.

- Bineta, se rapprocha son père. Bineta, que se passe-t-il?

Les yeux de la jeune femme brillaient derrière une flaque de larmes.

- Bineta, que se passe-t-il?

- Papa je te demande pardon... Je pensais qu'il m'aimait vraiment, je pensais qu'il voulait faire de moi son épouse. Mindalo baba [Pardon papa].

- Tu parles de... Mamadou?

Elle opina de la tête.

- ... Pardon papa, je t'ai déshonoré... J'ai sali ton nom...

Il ne pouvait supporter de voir sa fille dans un tel état. Sous d'autres toits, il aurait dégainé sa ceinture pour la corriger. Mais au lieu de cela, il s'agenouilla près d'elle, la tira contre lui et serra très fort. La tête enfoncée dans le creu de son épaule, Bineta distinguait une mine de désapprobation sur le visage de sa mère.

- Yacouba! Qu'est-ce que tu fais?! Comment peux-tu la prendre dans tes bras après ce qu'elle a fait?! Tu devrais plutôt la corriger!

- C'est bon Fanta! Tais-toi pour une fois!

Énervée, Fanta quitta immédiatement la pièce.

- Ne pleure pas ma fille, on va trouver une solution. Ne pleure plus.

De sa main durcie, il essuya les larmes de sa fille. Idja s'approcha à son tour, s'agenouilla, et se blottit dans les bras de sa grande-sœur.

Mamadou, après avoir conquis la demoiselle avait disparu de la Côte d'Ivoire. Il était parti depuis près d'un mois. Et il avait promis revenir avec les siens pour demander sa main. Mais personne ne l'avait revu. Il ne répondait à aucun appel ni message. Elle ne savait rien de lui sinon qu'il s'appelait Mamadou Cissé, qu'il était issu d'une riche famille sénégalaise, qu'il rêvait de devenir «banquier», qu'il l'avait laissée enceinte...et seule. Yacouba lui en voulait aussi, il s'en voulait d'avoir accueilli un serpent sous son toit.