55-Une invitation pleine de promesses.

40 5 0
                                    

Cela faisait belle lurette que Mamadou avait déposé Bineta chez Coumba. Bineta n'était pas venue jouer les infirmières, même si elle aimait bien à le faire avec la sœur de son ex petit-ami, celui qu'elle rêvait de réactualiser.

Ce jour-là, Bineta comptait bien lui dire ses quatre vérités. Elle voulait peut-être le récupérer, mais pas au point de se laisser rabaisser.

Le rebord de la piscine était parfait pour discuter. Ils étaient seuls, Coumba était à l'intérieur. Les pieds plongés dans l'eau bassinée par le soleil, Bineta se tourna vers l'homme, qui assis auprès d'elle depuis des minutes, n'avait encore mot dit.

- Qu'est-ce que tu comptes faire de moi Mam?

Il se tourna à son tour, feignant de ne pas comprendre.

- J'ai quitté Abidjan, pour venir jusqu'à toi. Et toi, tu me gares chez ta sœur, comme une vieille caisse qu'on laisse à la casse.

- Je pensais que tu aimais bien ma sœur.

- Oui mais, je ne compte pas l'épouser, elle.

- Ah non?

Elle expira l'exaspération qui naissait en elle.

- Je ne sais pas à quoi tu joues Mamadou. Mais si tu n'as rien à faire de moi, dis-le moi, que je rentre chez mon père. Parce qu'au cas où tu ne le saurais pas, je n'ai pas rien à faire de ma vie... On s'est connus dans mon pays, tu m'as conquise et tu m'as mise enceinte. Tu étais censé revenir mais tu as disparu, sans laisser la moindre trace. Ni appel, ni messages, ni rien. Impossible de te joindre. J'ai commis une énorme erreur, je l'admets. Mais quelle femme dans mes baskets t'aurait encore espéré? Présente-la moi si tu la trouves un jour. Et puis bam! Un beau jour tu réapparais, comme si de rien n'était... Avoue quand-même que ça fait trop en moins de six mois Mam. Alors décide-toi. Laisse-moi partir sinon.

Elle arracha ses fesses aux carreaux, se chaussa et passa derrière Mamadou.

- Ma sœur t'aime bien, tu sais.

Elle fit une pause, sans se retourner.

- Et... Poursuivit-il.

Il se leva à son tour, laissa des traces de pas mouillés sur les cinq carreaux qu'elle avait déjà traversés, avant de faire ombre au soleil qui rendait petits les yeux de la dame petite.

- Moi aussi, je t'aime... bien et... beaucoup. Enfin... Si tu veux rentrer à Abidjan, je ne t'en empêcherai pas parce que en effet, tu n'as pas rien à faire de ta vie. Je ne m'en veux pas pour toute cette histoire, je n'ai pas choisi ce qui est arrivé. Mais je ne t'en veux plus non plus, enfin je crois... J'essaie... Parce que tu n'as pas choisi le cours des choses, enfin, peut-être un peu mais...

Il s'arrêta pour évacuer un tsunami aérien, comme si ce qu'il disait pesait une tonne.

- En gros Bineta, je ne t'ai pas "garée" comme tu le dis. Je t'ai laissée ici parce que je trouvais ça mieux pour toi et... parce que je voulais que ma sœur me dise ce qu'elle pense de toi.

La fameuse mission. Bineta ne l'avait même pas vue venir.

- J'ai vraiment envie que les choses s'arrangent entre nous. Seulement, je ne sais pas encore comment m'y prendre très exactement. On est restés séparés très longtemps et depuis... je n'ai jamais pensé te revoir... un jour. Alors... on ira doucement et... on verra ce que ça donne.

- Tu veux dire que ça pourrait ne pas marcher?

- J'espère que non en tout cas... On dîne ce soir?

- Je n'ai pas débarqué avec une valise de vêtements dignes d'un restaurant tu sais.

- Tu n'en as pas forcément besoin. Même avec un débardeur et un pagne, je t'emmènerais bien dîner dans le plus chic des restaurants.

- C'est une blague là?

- Je n'ai jamais été aussi sérieux, et tu le sais.

Et il l'était, le pire!

- Ma sœur tient un magasin de vêtements, tu n'as qu'à voir avec elle. Elle a une catégorie spéciale femmes rondes.

Les yeux de Bineta s'élargirent. Elle se retint de rire mais ne put empêcher un sourire.

- Je n'ai rien oublié de toi demoiselle, absolument rien de chez rien.

C'était devenu trop, elle n'en pouvait plus du ton à la fois mate et censuré de Mamadou, du sérieux dans son regard strict.

- À ce soir, se sauva-t-elle.

- Je passerai à huit heures!

Loin de lui, elle libéra son cœur du rire qui l'étouffait. Elle n'avait pas ri ainsi depuis fort longtemps. Même Coumba, avec ses blagues bizarres, n'avait pas réussi à motiver un tel enjaillement.

Toujours planté devant le marigot moderne, Mamadou souriait. Il avait bien remarqué combien elle se battait contre son rire, et il la sentait bien exploser loin de son regard. Ah... Ce rire, que n'aurait-il pas donné pour l'écouter de nouveau?

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant