Son corps trahissait son âge. Et son éclat défiait le temps. Son époux, bien trop soucieux de la voir heureuse en dépit de sa stérilité, avait toujours tout mis en œuvre pour que demeure sa beauté et son sourire. Et apparemment, Mamadou avait sagement hérité de ce dévouement qu'avait son père pour ses épouses. Bambouré était ferme mais très aimant. Il avait un esprit plus ouvert que la majorité des hommes de sa génération. Qui aurait cru que derrière le sourire qu'il s'était tant acharné à conserver, se cachait une telle rancœur?
Fenda en voulait au monde pour sa stérilité. Ils avaient tout essayé. Des hôpitaux aux féticheurs. Des prières aux supplications. Mais cela n'avait jamais abouti. Alors, ils jetèrent les armes. Et Bambouré se décida à avoir une seconde épouse. Cela serait vite arrivé de toute façon. Mais les circonstances coucourantes avaient rajouté de l'huile sur le feu. Fenda ne se remettra jamais de ce qu'elle avait vécu comme une trahison. Feignant l'épouse compréhensive, elle alimentait déjà à l'insu de tous, une jalousie hargneuse à l'égard de sa première co-épouse. Cette dernière n'avait jamais été contre le fait de n'être que l'une des épouses de son mari, même si dans la maison de son père ploygame, la paix n'était pas de tout temps. Elle pensait être tombée dans les bras d'une noble femme, qui d'ailleurs l'avait prise sous ses ailes.
Lorsque vint s'ajouter Sadio, plus claire et plus aguichante, Fenda comprit que son époux ne l'avait jamais envisagée en tant qu'unique épouse. La polygamie coulait déjà dans son esprit quand il la courtisait. Sa rage n'allait que périclitant. Et après plus de trente ans à partager son mari avec Sira, puis Sadio, Fenda avait fini par exploser. Ce plan diabolique s'échaffauda tout seul dans son esprit.
La dispute entre Bambouré et Sadio allant, elle avait fini par avouer qu'elle n'en voulait pas à Mamadou mais à son épouse. Elle avait remarqué combien son époux s'amusait à contempler puis à commenter les belles rondeurs de Bineta. Et tant que Bineta serait l'épouse de Mamadou, elle resterait dans leur vie. Elle ne voulait donc plus qu'une chose, semer l'ivraie parmi leur blé d'amour dans l'ultime but de la faire partir. Pour cela, elle proposa à Hawa de cacher un de ses sous-vêtements dans les affaires de Mamadou.
Sadio avait eu le temps d'observer l'abidjannaise, de constater son caractère chaud bouillant. Elle était certaine que cela suffirait à détruire leur mariage, ou au moins à le fragiliser. Et là, Hawa pourrait entrer en jeu et séduire le jeune homme. Mais alors qu'elle discutait avec Hawa ce fameux soir, dans la cuisine, Fenda les surprit. Au départ de Hawa, Fenda proposa un autre plan à sa co-épouse. Mais elle ne lui avait pas dit ses réelles intentions, car elle savait que Sadio trop scrupuleuse, n'aurait jamais accepté d'aller aussi loin. Elle lui fit alors croire, que l'envoûtement consisterait à seulement rendre Mamadou fou amoureux de Hawa, de sorte qu'il ne fasse même plus attention à Bineta. Cela correspondait tout à fait aux désirs de Sadio. Adieu Bineta, pensait-elle.
Sira serrait encore fermement son fils, il avait beau grandir, c'était son bébé. Que se serait-il passé si le grand marabout n'avait pas été un féal ami de Bambouré? Son passé n'était pas tout saint, il avait déjà commis des atrocités avec sa magie. Mamadou n'aurait pas été le premier homme qu'il rendrait fou. Mais il avait choisi son ami, plutôt que l'argent. Et en fin de compte, cela n'avait pas été inutile, car Bambouré lui avait offert une forte somme, pour qu'il se sorte de la galère.
Bambouré saisit son nez entre les mains et ferma les yeux un court instant.
- «Ladji pardon... pardon», suppliait Sadio.
Fenda, elle non plus ne perdait espoir.
- «Ladji, je suis ta premiè...»
- «Fermez-la toutes les deux!»
Il se leva brusquement et fit valser son boubou vers l'arrière. Les bras croisés dans son dos, il visa de haut, le visage pécheur de sa première épouse, une femme qu'il avait aimée et chérie de toute son âme. À présent, cette même femme l'avait cruellement poignardé dans le dos. Il ne pouvait plus cautionner la présence d'un tel serpent sous son toit.
- «Dès demain à la première heure Fenda, tu quittes cette maison.»
- «Non Bambouré, tu ne peux pas me faire ça...»
- «Eh bien c'est tout fait! Je te répudie!»
- «Non, non Ladji!»
- «Je te répudie! Je te répudie! Je te répudie! Je te répudie! Je te répudie!»
Elle s'accrocha à ses jambes, décidée à ne pas se faire jeter. Mais il demeurait indifférent à ses cris, préférant incessamment cette formule. Heureusement que le père de famille avait eu la décence d'épargner aux enfants, ce spectacle. Il les avaient tous expédiés à une sortie avec leur tante Nioncounda. Enfin, sauf Cissé junior qui était encore trop jeune pour être éloigné de sa mère. Il dormait comme un loir au fond de son berceau.
- «Quant à toi Sadio, on règlera ton cas plus tard.»
C'était plus compliqué. Sadio avait déjà donné quatre enfants à Bambouré, un seul aurait suffi à lui donner du fil à retordre, alors quatre.
Sadio, déjà heureuse de ne pas se faire évincer, entrecroisa ses doigts, en signe de remerciements à son mari.
Celui-ci, toujours agrippé par sa désormais ex première épouse, lui ordonna de le lâcher. Mais devant la non exécution de celle-ci, il se rabaissa, l'empoigna par les bras et l'éjecta!
Les jeunes femmes de la pièce sursautèrent. Sira se redressa, quittant enfin les bras de son fils. Cette scène ne lui faisait en aucun cas plaisir. Elle adressa un œil compatissant à son ex-coépouse en remuant la tête.
Horripilé, Bambouré continua son chemin et s'arrêta devant Sira. Elle parcourut toute l'épaisseur de son boubou des yeux, avant d'atterrir sur son visage.
- «J'espère bien que tu n'es pas un serpent toi aussi.»
Elle cilla vivement et détourna son regard. Bien que comprenant la douleur de son mari, elle était tout de même contrariée.
Ce fut ce moment-là que Cissé junior choisit pour se mettre à pleurer. Sa mère se leva aussitôt. Toujours offusquée, elle passa derrière le rideau. Derrière elle, Bambouré fit de même. Et derrière lui, Mamadou suivit.
- «Père...»
- «Je sais que tu penses que ta mère n'a rien à voir avec les autres. Mais tout comme tes frères n'ont pas choisi d'avoir des vipères comme mères, tu n'as pas non plus choisi ta mère. Alors ne viens pas me faire la morale.»
- «Ne t'en fais pas papa, je n'avais aucune intention de parler de ma mère.»
- «Que me veux-tu donc?»
- «Si tu étais au courant de tout, pourquoi n'en avoir jamais fait cas?»
- «Parce que je réfléchissais fiston. Je me suis rendu compte qu'il n'y a point de remède à ce qui s'est passé. Et pourtant, j'ai réfléchi... À présent vas t'en, il faut que je réfléchisse.»
Encore.
- «Bien... papa.»
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Voyez-vous donc ça, j'ai oublié de publier hier et personne n'a rien dit😂. En tout cas, voilà ça. À vendredi pour la suite😉.
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Mamadou & Bineta 🖤
RomansaAprès deux ans de full love sur le sol sénégalais, le mariage de Mamadou & Bineta ne bat plus que d'une aile. Derrière ses airs de femme téméraire et insoumise, Bineta cache des blessures que même son mari ne suspectait. Mais lorsqu'un soir, elle re...