80- Les coups du sort...

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À six mois de grossesse, Mamadou et Bineta avaient choisi d'ignorer le sexe de l'enfant à venir. Et les paris étaient lancés.

Mais comment Sira avait-elle fini par attérir chez son fils?

***

Le lendemain même de la discussion qui avait soulevé Bineta contre son mari, il l'avait retrouvée, affalée sur les carreaux, alors qu'il rentrait du boulot. Comme quoi, le karma du grand marabout avait frappé. Elle se rendait compte de la gravité de la situation, mais c'était bien trop difficile pour elle de laisser passer.

- Je ne veux pas que qui que ce soit te fasse du mal Mam.

- Mais tu n'as rien à craindre. Je connais tantie Anta, ce n'est pas une mauvaise personne.

- Tu connaissais aussi les deux autres épouses de ton père, non?

- ... Écoute ma chérie, c'est soit tu vas rester avec maman, soit je prends des congés pour rester avec toi.

- Ne me fais pas chanter, s'il te plaît.

- Eh bien tu ne me laisses pas le choix. Comment voudrais-tu que j'aille travailler tous les jours en sachant que je peux te retrouver dans cet état à tout moment? Et si tu y étais restée? Et notre bébé dans tout ça? Tu penses un peu à lui?

- Oui et justement... je ne veux pas qu'il grandisse sans père...

Sa voix se brisa, et ses yeux s'embuèrent.

- Je ne pourrais pas supporter qu'il t'arrive quelque chose. Tu peux comprendre ça?

- Bien sûr que je te comprends mais... Je vais y réfléchir, encore. Mais demain, je te dépose chez mes parents en allant au boulot, j'irai te chercher en rentrant. Ça te va?

Elle ne paraissait pas d'accord.

- S'il te plaît chérie, ne me complique pas la tâche j'ai...je fais tout pour que tu sois bien... Aide-moi...

Elle adhéra en silence. C'était déjà mieux, pour elle, en attendant.

Mais en fin de compte, si la montagne ne pouvait venir à Mahomet...

C'est ainsi qu'apparut l'idée. Tous les matins très tôt, Sira venait se déposer chez son fils, et rentrait tous les soirs, dès que celui-ci mettait pieds à la maison. Cette façon de faire était loin de plaire à Bambouré. Même s'il s'était finalement décidé à garder Sadio sous son toit, pour le bien des enfants, il n'y avait plus rien entre eux. Mais il n'avait pu refuser cette demande à son fils, qui avait failli y passer. Il devait se coltiner sa troisième épouse à longueur de journée. Il mangeait à peine, car, après ce qu'elle avait fait, elle pourrait tout à fait l'envoûter, histoire de retomber dans ses bonnes grâces. Mais elle avait tiré à terre, se jurait-il.

Il la laissait nourrir ses enfants, elle ne leur aurait jamais fait de mal. Quant à ceux de Sira, il les avait laissés à la charge de Dioncounda, leur tante maternelle. Leur école était bien plus proche de chez elle. Ils y restaient tous les midis, étaient déposés les soirs par le chauffeur, chez Mamadou où ils dînaient, et d'où ils repartaient avec leur mère pour la maison. Pour une raison inconnue, cet état de chose leur était amusant. Ils s'y donnaient donc à cœur joie, ignorant la guerre qui régnait dans les vestiaires. Pour justifier le départ de tantie Fenda, une histoire de voyage avait été inventée. Tant que les enfants croyaient au père Noël, ça passait.

Avec les aptitudes du grand marabout, Bambouré s'était enfin décidé à construire une forteresse qui le protégeait lui, ses deux épouses, ses enfants et leurs époux respectifs ainsi que ses petits-enfants en cours de téléchargement.

***

Coumba, presque à terme, s'était assagie. Tous priaient pour que cette grossesse aboutisse. Y compris Sadio, qui malgré la méfiance qu'elle s'était attirée, se repentait de son erreur. Coumba se disait que ses fausses couches passées n'étaient peut-être pas naturelles, Fenda aurait très bien pu être derrière cela, mais le grand marabout niait en savoir quoi que ce fût. Et une consultation révéla très vite à Coumba que sa grossesse n'avait rien à voir avec le surnaturel.

En Côte d'Ivoire, Salimata en était déjà presque à son sixième mois. Son ventre s'arrondissait à une vitesse inouïe.
Karidja ne fréquentait toujours personne. L'héritage laissé par leur père grandissait, et les frères de celui-ci n'avaient toujours pas refait surface, plutôt étrange aux yeux des trois sœurs.  Au fond d'elles, elles étaient rassurées à l'idée de ne pas les voir revenir. Mais leur instinct leur soufflait que ce n'était pas normal. Et très vite, l'envie d'aller vérifier titilla l'esprit de Karidja. Mais avant qu'elle ne put faire aboutir ses pensées, un appel en provenance de Saïoua l'en dissuada. Les trois frères de son père avaient perdu la vie dans un accident de circulation. Ironie du sort, ils étaient en route pour Yopougon au moment de l'accident. Karidja se perdait entre remercier le ciel et soupçonner que cet accident n'était pas naturel. Car, pour une raison qu'elle ignorait, une petite voix lui soufflait qu'il fallait creuser.

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À votre avis, on approche déjà la fin de M&B ou pas? En tout cas, si je peux vous garantir une chose, c'est qu'il y aura un tome 2 palpitant😄. Mais finissons déjà celui-ci😉.

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant