19-Un futur beau-papa avenant.

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Ce fichu réveil venait de les réveiller! Dans une chambre cloisonnée comme la leur, il n'y avait aucun risque de se faire éblouir par le soleil. Loin d'être aussi vivace que jadis, Bineta rouvrit difficilement ses yeux et les laissa ciller sous le poids des renflements provoqués par les larmes de la veille. Quant à Mamadou, il bouda et se hâta de mettre fin à ce désordre auditif. Sentant son épouse lui échapper, il la retint:

- Où est-ce que tu vas?

- Prendre un bain comme tous les matins. Tu as oublié que je me réveille toujours à cette heure?

- Non mais... Tu peux faire une grasse matinée aujourd'hui.

- Chéri, je vais bien.

- Je ne dis pas le contraire...

- Mais tu penses le contraire...

- Tu pourrais quand-même rester.

- Et qui va te faire ton ménage là? Et la cuisine? Et Titan? Et le gardien?

- Le ménage, c'est pas urgent. Tu nettoies tellement que la maison risque de devenir stérile. Pour Titan, pas besoin de se lever aussi tôt. Thomas n'aura pas à s'en faire pour manger, il ne mange pas à cinq heures du matin que je sache. Et pour la cuisine, on trouvera une solution lorsqu'on commencera à mourir de faim.

- Tu es bête. Laisse-moi passer...

- Non.

- Mamadou.

- J'ai dit non, riposta-t-il en la renversant sur le dos... Si tu bouges, je vais te faire du mal.

- Non, sans blague...

À côté de son sourire malin, Mamadou porta ses doigts à la zone la plus chatouilleuse du corps de son épouse.

- Quoi? Protesta-t-elle. Non! Surtout pas ça.

- Alors, tu as intérêt à rester docile.

Elle fit tourner ses yeux dans leurs orbites, expira, puis croisa ses poignets sur son ventre:

- À vos ordres capitaine.

- Bien. Ça te dirait un restau?

- Tu ne vas pas au boulot toi?

- Je peux toujours m'arranger avec Marcus. Il me doit bien ça.

- Tu sais très bien que je ne suis pas fan des restaurants. Je préfère cuisiner moi-même. Comme ça je sais ce que je mange.

- On pourrait faire une exception aujourd'hui. Tu ne sors presque jamais, tu n'es pas fatiguée de la piaule?

- Pas tant que j'ai tout ce dont j'ai besoin.

- Pourquoi est-ce que t'es aussi têtue?

- Eh bien... Parce que, entama-t-elle, avant de se lever et de foncer en toute vitesse dans la salle de bains!

Elle courut si vite qu'elle eut le temps de verrouiller la porte de l'intérieur.

- Bineta, à quoi tu joues?

- Je ne joue pas! Je veux juste qu'on me laisse prendre mon bain en paix! Répondit-elle en rigolant.

- Toi... T'es une sacrée folle hein.

- Et fière de l'être.

Ce petit spectacle lui rappela à Mamadou leur première année de mariage. C'était ainsi tous les jours. Entre les disputes et les désaccords, ils passaient leurs journées à se taquiner, à s'amuser, à s'aimer tout simplement. Et il aurait tellement voulu que les choses demeurent ainsi éternellement. Mais les choses changent. Elles changent tout comme Bineta avait fini par changer d'avis au sujet de Mamadou. Cela n'avait pas été facile mais il y était arrivé.

***

Après s'être pris un râteau la veille, Mamadou était revenu le lendemain toquer à cette même porte.

Et comme si les saints étaient avec lui, c'était encore elle qui lui avait ouvert. Elle tenait un morceau de pain qu'elle se plaisait à mâcher sans ménagement. Lorsqu'elle ouvrit la porte, son rythme de mâchonnement ralentit.

- Au secours, sussura-t-elle entre l'exaspération et la prière.

Puis, une deuxième fois, elle envoya la porte lui dire bonjour.

Lorsqu'elle traversa le salon de son père, ce dernier ne lui posa guère la question. Il avait déjà deviné à sa mine que c'était encore l'un de ces «imbéciles». Mais une chose avait attiré son attention, c'était la première fois que deux «imbéciles» venaient la voir en l'espace de deux jours. C'était d'ailleurs la deuxième fois tout court qu'un «imbécile» venait toquer. Aucun d'entre eux n'osait encore venir jusqu'à la maison. Il allait demander à Karidja, la benjamine, d'aller voir si elle trouvait encore le visiteur à la porte, lorsque celui-ci se remit à toquer...

- Bonjour monsieur.

- Tu dois être... La petite-sœur de Bineta, n'est-ce pas?

- En effet.

- La beauté, c'est de famille alors.

La petite de quinze ans rougit face à ce compliment.

- Moi c'est Mamadou.

- Karidja.

- Joli prénom Karidja.

- Humm... Merci à vous... Alors, vous êtes...l'un de ses profs?

Loin d'être vexé, il se contenta d'esquisser un sourire. Il avait à peine plus de cinq ans que Bineta. Mais son apparence imposante portait toujours à croire qu'il était plus vieux.

- J'ai l'air si vieux que ça?

- Oh non non, c'est juste...

- Ne t'inquiète pas. Et non, je ne suis pas l'un de ses profs. Autrement elle ne m'aurait pas laissé en plant là et ça tu le sais, parce que tu es une fille très intelligente n'est-ce pas?

Prise la main dans le sac, elle n'eut autre choix que de se rendre.

- ... Attendez, je vais demander à papa si vous pouvez entrer.

- Eh bien cela ne sera plus nécessaire apparement, répondit-il en remarquant le père un peu plus loin derrière la fille.

Tout était parti de là. La sympathie initiale du père avait été l'élément déterminant de cet amour naissant.
À peine étaient-ils installés que Bineta était réapparue dans le séjour. Et à la seconde où elle le vit assis là, elle rebroussa chemin.

- Veuille l'excuser jeune homme. Elle est petite mais...

- Pleine de ressources, compléta-t-il.

Arrivé à bout d'un verre d'eau offert par la petite-sœur, il leur expliqua comment il l'avait connue. Le père de famille était déjà conquis par Mamadou. Il ne lui restait plus qu'à ouvrir les yeux à sa fille. Il envoya alors Karidja convaincre sa sœur de descendre.

- Idja, j'ai dit que je ne voulais pas. Est-ce de force?

- Grande-sœur arrête avec ça là, allez viens.

- Eh ma fille, je vais te frrapper dè. A u man wi [Tu ne pourras même plus pleurer]

- Ce n'est pas grave, je m'en remettrai. Tant que tu descends.

Cela n'avait pas été facile mais avec un peu de persévérance, elle finit par céder. Seule sa petite-sœur détenait le secret de cette persuasion.

Elle se faufila entre les accoudoirs des divans où siégeait Mamadou d'une part et son père d'autre part. Le jeune n'avait pu s'empêcher de sourire à cette magnifique paire d'enbonpoints qui palpitait sous cette robe fleurie. Une foi encore, elle atteignait à peine les plis poplités de la sublime abidjanaise. Puis elle se déposa auprès de son père en toisant son conducteur imprudent.

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant