Mamadou & Bineta 🖤

63- Tous les hommes sont des infidèles.

Bineta n'était pas restée dormir avec sa petite-sœur. Le marché était simple: si Idja s'endormait la première, Bineta retournerait auprès de son mari. Et même si Bineta avait les yeux battant de sommeil, elle était restée assez longtemps pour conclure au sommeil profond de la benjamine.

Cependant , Idja, quelques minutes après le départ de sa sœur, avait fui le sommeil qu'elle venait de simuler pour retrouver le lit de leur défunte mère.

De son côté, Bineta était tombée sur Mamadou revenant des toilettes.

– Qu'est-ce que tu fais là? Tu n'es pas restée avec ta sœur?

– Elle s'est déjà endormie.

– Mais...

– Je ne suis pas comme Sali. C'est elle qui veut tout le temps la protéger. Mais notre Idja n'est plus une gamine. Si on ne lui laisse un peu de liberté, elle ne saura pas se débrouiller seule. C'est vrai qu'elle est particulièrement fragile, mais elle n'est pas idiote, elle s'en sortira.

– Si tu le dis. Et toi, tu ne te recouches pas?

Elle était encore plaquée contre la porte, lui, planté devant le lit.

– Tu repars quand?

Il soupira et prit d'abord la peine de s'asseoir dans le lit.

– Et si tu venais t'asseoir.

– Voilà... je suis tout oreilles.

– En fait... je suis ici pour remplacer mon boss au sein d'une rencontre qu'il ne veut pas honorer. Son épouse fête son anniversaire demain. Par le passé, il se faisait toujours absent, même quand il promettait le contraire. Cette fois-ci, il a programmé ne pas commettre la même erreur. Il pensait avoir du mal à me convaincre. Mais on s'est vite rendu compte qu'on avait le même but : ressentir la chaleur de nos épouses.

– Hmmm... beau parleur va.

– À part ça, je dois faire un tour dans deux de nos filiales ici. Je suis donc là pour une durée indéterminée. Enfin, pour le moment.

– Je vois, répondit-elle avec déception.

– Ça va?

– Ça fait plus d'un mois qu'on est restés séparés tout les deux, n'est-ce pas?

– C'est exact.

– Et on s'est revus hier mais... depuis, tu n'as pas essayé une seule fois de me toucher.

À ce moment là, leurs regards, accusateur pour la femme et désolé pour l'homme, se croisèrent. Il sentait venir sa douche.

– Bineta...

– Je ne sais pas ce qu'il s'est passé à St-Louis dans mon dos. Mais tu as plutôt intérêt à bien le cacher parce que j'ai beau être blessée, c'est avec cette même main que je vais te régler ton compte à toi et à tes vide-couilles.

– C'est quoi cette histoire encore Bineta?

– Je ne raconte rien. Et si tu veux tout savoir, c'est une menace.

– Je t'ai juré fidélité Bineta.

– Mais tu es un homme Mamadou. C'est facile de répéter les paroles qu'on t'impose pour remplir les formalités du mariage. Mais après, on sait tous comment ça marche sur le terrain.

– Tu me prends vraiment pour ce genre d'homme.

– Je ne t'ai pas connu coureur de jupons, c'est vrai. Mais aussi loin que je me souviens, depuis deux ans et demi qu'on est mariés, tu n'as jamais passé un délai pareil sans même essayer de me toucher. Il est vrai que dans la période où on était en froid à propos de tomber enceinte ou pas, je t'ai dit non à plusieurs reprises, mais au moins tu avais essayé. Et au bout du compte, on a tenu qu'un mois tous les deux. Là, ça fait déjà plus d'un mois, et on est pas en froid. Je pense que j'ai le droit de douter.

Il se leva, étonné de voir à quel point elle pouvait être paranoïaque. Il ne savait pas trop comment se justifier auprès d'elle.

– Tu es mon épouse Bineta.

– Et alors?

– Et je suis ton mari.

– Je ne vois toujours pas le rapport.

– Eh bien, tu devrais me faire confiance.

Elle s'esclaffa dans un rire rauque et sarcastique.

– Quo confiance, tchiiip. Ne te fous pas de moi hein Mam. Le bail de la confiance, c'est pour les débutants. On sait tous que les hommes ne sont pas réputés pour leur fidélité.

– Moi je ne suis pas les hommes, je suis ton homme. Et franchement, je suis quand-même un peu vexé que tu manques de confiance en moi. Ce mois loin de toi, je n'ai pas arrêté une seule seconde de penser à toi, à la façon de te rejoindre au plus vite.

Il revint vers elle.

– J'aurais pu tenter quelque chose ce soir, ce n'est pas l'envie qui m'en a manqué. Mais il y a ta petite-sœur qui n'est pas au top de sa forme. Alors, ce que toi tu sembles appeler une absence de libido dont la cause serait d'autres femmes, ce n'est que de la compassion. J'aurais pu ne pas y prêter attention. Mais je n'arrivais juste pas à penser faire l'amour à ma femme, dans cette maison, sachant que sa petite-sœur y est aussi, mais triste et dans le besoin d'une épaule. J'aurais peut-être dû lui offrir mon épaule pour la nuit. Comme ça le message serait mieux passé, non? La seule raison pour laquelle je ne t'oblige pas à rentrer comme Nicolas l'a fait avec ta sœur, c'est justement parce que non seulement ta famille a besoin de toi, mais aussi toi de ta famille. Je t'aurais ramenée à la maison depuis sinon. Alors à quoi ça sert de te laisser ici si tu ne peux pas prendre soin des tiens?

Elle se sentait tout de même bête. Son visage fatigué se déforma dans une moue boudeuse.

– Arrête de voir le mal partout Bineta. Arrête d'imaginer que tous les hommes sont pareils. Arrête de penser que tu me plais moins ou que ça va être le cas. Je t'aime et je vais toujours t'aimer. Peu importe que tu sois ou non enceinte. Avec des kilos en plus ou en moins, tu es toujours ma madame Cissé, non? Libère-toi, mets une croix enfin sur les paroles de ta mère. Elle a elle-même dit qu'elle ne le pensait pas. Et je pensais que tu l'avais compris une bonne fois pour toute quand tu as décidé de tomber enceinte.

– Je le pensais aussi. Mais...

– Mets aussi une croix sur les mais, ce sont eux qui t'empêchent d'avancer. Tu m'as fait confiance pendant près de cinq ans, je ne t'ai jamais déçu, enfin, je crois. Alors, tu peux continuer. Tu peux continuer et me croire lorsque je te dis que tout va bien. Rien n'a changé et rien ne changera entre nous. D'accord?

– ... D'accord.

– Allez, fais-moi un bisou.

– Mouah...

– Encore un autre.

– Mouah mouah mouuuuah.

– Tu es sûre qu'elle dormait bien ta sœur?

– Tu ne vas pas me dire d'y retourner hein.

– Si... Enfin non je... je suis un peu partagé entre elle et moi.

– Sois égoïste s'il te plaît, supplia-t-elle d'une voix aussi enfantine que son regard.

Il hésitait.

– Alleeeeez...

– ... Allez, on se couche.

Elle lui sourit et il l'aida à s'allonger avant d'en faire autant.

– Tricheuse.

– C'est la fin qui justifie les moyens.

Les gouttes de pluie devenaient de plus en plus fracassantes. Sentant les filets de froid pénétrer la pièce, Mamadou resserra sa prise autour de la taille rondouilette de Bineta.