68- Le string de trop.

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Mamadou pénétra la cuisine.

- Bonjour ma chérie.

En sentant les lèvres de son mari dans son cou, Bineta fut piquée par l'envie de laisser couler les larmes qui la démolissaient de l'intérieur.

- Bineta. Bineta, ça va?

Le silence auquel il se heurta fut encore plus cinglant. Sans qu'elle n'ait à se forcer, ses pas s'éloignèrent de la pièce, sous le regard confus de son époux. Qu'avait-il fait entre la veille et ce matin pour qu'elle change aussi violemment d'attitude?

À table, elle s'installa et il en fit de même. Ils se retrouvèrent alors face à face. Bineta plongea une cuillère dans son bol de Fondé¹.

- Bineta... Bineta... Bineta.

Elle était toujours aussi distante et silencieuse. Ses papilles déjà excitées attendaient de recevoir leur troisième cuillerée de bouillie. Mais elles allaient devoir prendre leur mal en patience. Mamadou tenait solidement le poignet de sa femme. Jusque là, elle avait réussi à éviter le regard de son homme. Mais soudainement, les fusils qui emplissaient ses yeux le visèrent.

Elle essaya de se libérer à plusieurs reprises. Et à la dernière tentative, la cuillière lui échappa et s'enfonça dans la bouillie de Mil. Les fusils dans les yeux de Bineta devinrent des lance-roquettes.

- Tu veux qu'on meurt de faim tous les deux?

- Non Bineta je...

- Lâche cette main Mamadou.

- Pas sans que tu m'aies dit ce qui te prend.

Elle souffla et posa son autre main sur la table.

Un téléphone sonna. C'était celui de Bineta. Un sourire sadique étira les lèvres de Mamadou. Elle tenta de le récupérer mais il fut plus rapide qu'elle. Elle avait alors les deux mains menottées.

- C'est ma sœur, laisse-moi décrocher.

- Vas-y.

- Mais lâche-moi! Hurla-t-elle.

- Pas sans que tu ne m'aies dit ce qui se passe Bineta.

- Je t'ai dit de me lâcher! S'écria-t-elle encore plus fort.

- Bineta... Ça ne va pas? Demanda-t-il plus pour lui-même que pour elle.

Il était évident qu'elle lui reprochait quelque chose. Qu'elle lui crie dessus, il pouvait le concevoir. Mais ce qui lui échappait, c'était cette surbrillance dans les yeux de sa femme: elle avait les larmes aux yeux. Depuis quand pleurait-elle quand elle lui en voulait? C'était bien une première.

- Laisse-moi décrocher, exigea-t-elle de sa voix étranglée.

- Ok.

- Allô?

Cette discussion n'avait rien d'intéressant pour Mamadou. Un appel des plus banals entre deux sœurs. Après avoir raccroché, les mains tremblotantes de Bineta longèrent son visage humecté.

- Bineta...

Elle repoussa son siège et se leva brutalement! Il n'y comprenait rien. Mais son petit doigt lui dicta de la suivre.

À quelques pas derrière elle, il la vit tirer sur l'un des battants de leur armoire. C'était celui de Mamadou. Surpris, il la laissa quand-même faire. Il pensait obtenir réponse à son comportement, peut-être. Puis elle se figea, le menton baissé. Mais il ne voyait toujours rien, rien à part les volutes qui ornaient les fesses de sa femme.

- Bineta, reprit-il tout doucement, comme s'il risquait de la faire fuir autrement. Bineta, qu'est-ce qui ne va pas?

Elle pivota, tout doucement, comme si elle risquait de se casser autrement. Bineta étira une dentelle de soie sous le regard médusé de Mamadou. Il pouvait lire la déception et le dégoût dans les yeux de sa femme.

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant