32- Et si on noyait nos peines entre nos cuisses?

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«Même Cupidon ne nous comprendra jamais. Son arc n'a pas pu engendrer un amour aussi fort.»

Il était bientôt sept heures et demi, l'heure à laquelle Mamadou quittait le domicile conjugal pour le boulot. Les enflures de la veille étaient encore perceptibles sous les yeux de Bineta.
Encore et toujours le bruit fracassant du couvert. Pas un mot. Pas un regard.

- Seulement si tu viens avec moi.

- Comment?

- Je vais rentrer à Abidjan. Mais seulement si tu viens là-bas avec moi.

Il souriait, tout comme quand elle avait accepté de devenir sa maîtresse.

- Tu as fait le bon choix ma chérie. Je te promets... Je te promets que tu ne le regretteras pas.

Elle balança timidement la tête sans adresser l'ombre d'un regard à son mari.

- On part quand?

- Je n'en sais encore rien mais... Je vais m'en charger. Je trouverai bien du temps libre dans mon emploi du temps.

- Mh.

Le reste du repas se tint dans la même ambiance qu'au départ.

En partant, il avait mal au cœur de la laisser seule.

Sa journée au boulot semblait prendre toute une éternité. Mamadou s'adonnait à un effort surnaturel pour ne pas écrire Bineta sur toute la paperasse qui lui passait entre les mains. Il se demandait constamment comment elle allait, ce qu'elle faisait.

Alors qu'à la maison, elle se tuait à la tâche - encore - pour ne pas réfléchir. Mais la réalité fut qu'elle ne pouvait s'empêcher d'appréhender ce voyage qu'elle avait fini par accepter. Elle ignorait encore si elle supporterait de faire de nouveau face à cette mère impitoyable. Mais encore, ne savait-elle pas si elle soutiendrait de la voir un pied dans la tombe, de regarder son deuxième parent passer l'arme à gauche.

Son téléphone portable sonna. Elle reposa la serpillière espagnole et décrocha.

- Allô.

"Ça va?"

- Oui... Enfin... Je crois.

"Tu me manques tu sais..."

- Toi aussi tu me manques.

Il était trop loin pour la voir rabattre ses paupières et soupirer en silence. Tant mieux d'ailleurs, il n'avait plus envie d'assister à ces tableaux de désarroi.

"Tu fais quoi à la maison?"

- Pas grand chose.

"Et quand tu dis pas grand chose, ça veut dire ménage à mourir... N'est-ce pas?"

- Mam...

"Non chérie, ne t'en fais pas. Je comprends que... tu aies besoin de t'occuper pour... Enfin, te fatigue pas trop non plus. Repose-toi, s'il te plaît. Et ne fais pas de caprices avec la nourriture."

- C'est promis.

"Allez je te laisse ma chérie... Prends soin de toi, d'accord?"

- Rentre vite.

Il était soulagé, un petit peu. Il avait toujours hâte d'être chez lui. Mais son cœur était un peu plus apaisé.
La violence qu'il s'infligeait pour demeurer concentré sur son travail était à moitié brisée.

Quant à elle, elle se trouva assujettie à une soudaine paix. Sans prêter attention à la serpillière qu'elle avait entre temps abandonnée, elle se laissa vaciller et échouer dans le long fauteuil. C'était l'heure de la sieste.

Des secondes passèrent puis des heures et vinrent alors les étoiles. Une Mercedes fut garée et une Bineta se précipita hors du séjour. Mamadou descendit de son véhicule et la serra contre lui.

Une fois à l'intérieur, il examina le visage de sa femme. Elle avait tenu sa promesse, remarqua-t-il.

- Pourquoi tu me regardes comme ça?

- Tu es belle.

Elle emmagasina son équilibre dans la pointe de ses pieds. Amusé par cet éternel cliché de la dame petite, il congédia un sourire dans le coin de sa bouche. Parvenus à leur coutumier point d'union, leurs lèvres entrèrent dans un contact cadencé par les tam-tams de l'amour.

Très vite, la main de Mamadou arracha la sacoche à Bineta et la balança dans le canapé. Cette main de vigueur se coupla à sa jumelle pour remonter l'étoffe enluminée de Bineta. Et à présent qu'un feu les embrasait tous les deux, il empoigna ses cuisses et les accrocha à sa taille.

Enflammée, elle se laissa guider, sans se soucier du mécanisme par lequel elle avait attéri dans leurs vastes draps. Ce n'était pas leur première fois, mais chaque fois était singulière. Ils n'étaient plus qu'un seul Homme.

La lumière était allumée. Mais l'éclairage qu'elle donnait ne pouvait équipoller le feu d'artifice qui se déchaînait dans la pièce. Toute la peine accumulée, toute l'inquiétude, toute l'électricité créée s'envolèrent dans une ondée d'intonations explosives, telle une collision branaire.

Le dîner était déjà allé se faire voir!

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant