Mamadou & Bineta 🖤

86- Pari tenu.

Le fameux pari avait porté ses fruits. Et il était l'heure d'en payer le prix.
Bineta avait perdu. Elle avait parié que leur bébé serait un petit garçon. Mais Astou avait déjoué tous ses plans. Pour payer sa dette, la jeune maman allait devoir lui faire une twerk-party. Et ce choix n'avait pas été fait par hasard par Mamadou. En réalité, il allait enfin prendre une revanche dont il rêvait depuis plusieurs années.

***

Tout avait commencé un peu moins de cinq ans plus tôt. C'était le dîner de réconciliation. Celui qu'ils avaient consenti, alors que Bineta logeait temporairement chez celle qu'elle espérait bientôt être sa belle-sœur. C'était la première fois qu'ils dînaient en tête à tête à Ndar.

Alors qu'ils descendirent chacun de son côté, Mamadou attendit qu'elle fasse le tour, avant de lui offrir son bras en crochet.

Mamadou n'était pas une fashionista. Mais son goût pour la mode était pour le moins prononcé. Il faisait dans la dentelle. La qualité était sa marque de fabrique. Et s'il optait toujours pour un look occidental dans le cadre professionnel, c'était traditionnel ou modash¹ en dehors. Le second choix était le gagnant de la soirée. Les nuances d'orange et de chocolat qui parfumaient sa tunique se mariaient parfaitement à sa peau dorée. Ses manches retroussées cassaient le trop plein de sérieux que lui donnait sa paire de lunettes, alors que son genu varum s'imposait dans un jean straight. Il s'était tout aussi bien appliqué pour donner un coup de brosse à ses cheveux frisés. Il n'était pas venu déplaire à Bineta en tout cas. Et il était tout aussi fier de faire découvrir les douceurs de son pays, à la femme pour qui il espérait ravigoter ses sentiments. Il ne pouvait pas encore parler d'amour, car, il ne donnait pas encore de nom au nuage qui emballait son cœur, quand il la voyait, quand il l'écoutait, quand il la sentait, quand il la goûtait. Mais justement, n'était-ce pas ça l'amour?

Bineta n'avait pas forcé sur son make-up, même si c'en était un style différent du coutumier: c'était l'œuvre de Coumba. Dans son boubou en soie blanche, c'était pourtant la danse des rondeurs. Les manches confondues à la robe, laissaient seulement voir son poignet décoré par un cylindre safran. Ses sandales à talons l'éloignaient de la terre et leur lueur argentée rappelait le damas qui divisait le boubou en deux. Coumba avait tenu à lui faire cadeau de tout cet arsenal, et Bineta n'avait pas pu dire non. Ses tresses parsemées d'amulettes et de perles la confondaient facilement à la dernière reine de l'Égypte ptolémaïque.

Ils entrèrent dans ce lieu, comme le couple qu'ils n'étaient plus. Le gros semblant de crête de Mamadou brillait sous les luminaires. Quant à Bineta, c'était l'éclat d'un sourire qui remontait ses pomettes rosées. Elle finissait de rire à une blague de Mamadou, dont le sourire était bien moins perceptible.

C'était super calme à l'intérieur, et c'était frais, touché d'une musique plus discrète que présente. Elle était presque tentée d'enlever ses chaussures qui bruissaient.

La salle était blindée de couples, beaucoup moins de groupes d'amis. Adama Paris habillait la moitié des femmes de la pièce.

Bineta était émerveillée. C'était la deuxième fois qu'elle s'aventurait dans un lieu aussi sophistiqué. La première fois, c'était avec sa famille.

- C'est super joli ici.

- Je sais.

- Monsieur Cissé, madame, soyez les bienvenus. Veuillez me suivre, je vous prie.

Le sourire de Bineta s'agrandissait. Mais Mamadou demeurait sérieux. Cependant, il n'avait pas pu tenir longtemps face aux fossettes de Bineta qui s'enfonçaient incessamment.

Le dîner filait en même temps que le temps. Mais le silence ne se faisait pas prier. Le malaise était évident. Ce dîner devait pourtant aider à renouer. Se taire était-ce la meilleure solution? Ni trop longs, ni trop courts, les regards qu'ils partageaient étaient pleins de sens.

- Tu as... Entama-t-elle.

Il bloqua aussitôt sa fourchette. Comme s'il ne demandait qu'à entendre sa voix.

- Tu as changé ta monture... on dirait..

- Subtil... En effet, celle d'avant était toute blanche.

- Et celle-ci est noire sur le devant, en haut.

- Tu connais Cléopâtre?

- Tu ne vas pas me dire que je lui ressemble toi aussi...

- Ah. Parce qu'on te l'a déjà dit.

- Ta sœur me l'a dit le soir où tu m'as déposée chez elle.

- Je vois ça... Je pense pas que tu lui ressembles.

- Non sans blague, t'as vu un peu ma coiffure?

- Oui bien sûr la coiffure mais... ton visage...

- Je suis plus belle, n'est-ce pas?

- Probablement, répondit-il la tête dans son plat. Enfin, personne ne sait à quoi elle ressemblait vraiment mais... elle a souvent été décrite pour son charme.

- Et moi, pour mon tempérament de sauvage.

- Attends...

- Non Mam, ne dis rien.

Elle reposa sa fourchette une minute, et ceuillit son propre visage en coupe.

- Tu penses... que tu vas me pardonner un jour?

- En tout cas, j'en meurs d'envie. Rien ne me rendrait plus heureux que de passer entièrement l'éponge.

- Et pourtant, tu as dit que tu ne m'en voulais plus.

- J'ai dit que je le pensais. Et apparemment, je me suis trompé. Quand je te regarde ce soir je... je vois une femme magnifique mais en même temps...

- Celle qui a tué ton enfant, ajouta-t-elle en glissant ses mains sur la table.

- Bineta j'ai...

- Tu veux que je rentre? Que je t'oublie? Que tu m'oublies? Qu'on s'oublie? Enfin, qu'on oublie tout et...

- Je veux que tu restes, l'interrompit-il en déposant une main sur la sienne. Mais... j'ai encore besoin de temps. Je te l'ai bien dit... qu'on irait doucement.

- Oui je sais, c'est juste... que je ne veux pas prendre le risque que ça ne marche pas. Si je pars maintenant, ça fera moins mal que de rester pour que ça finisse mal.

- Mais comment savoir si ça marche alors que t'as même pas essayé?

- Je dis pas que je ne veux pas essayer, c'est juste...

- Hey, Mam, s'incrusta une délicieuse voix.

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1: style vestimentaire d'Afrique. Mélange du traditionnel au moderne. Exemple: pantalon jean surmonté d'une tunique en wax/veste en wax par dessus une robe moulante en jersey.