29-Et si les guili-guilis faisaient pleurer?

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«Tu es encore plus belle quand tu pleures, mais je déteste te voir pleurer. Alors je déteste te voir plus belle.»

Ils étaient enfin rentrés chez eux. La pluie ne leur avait laissé autre choix que d'abandonner l'idée de la promenade.

Des grondements assourdissants, le bruissement de l'eau fouettant les airs, des gouttes chicotant les murs et le toit, du vent mêlé à cet harmonieux brouhaha. Tout cela suffisait à faire taire leur chauds poutous dénués de pause.

- Attends... Attends, insista-t-elle. Je n'ai pas pris... Il faut que je prenne...

Elle en perdait son latin mais il avait déjà saisi. Sans s'énerver, il s'écarta pour la laisser passer. Il s'installa dans son dos au bord du lit conjugal. Elle voulait que les choses changent mais n'avait pas le courage d'en prendre l'initiative. Il désirait que la situation s'améliore. Mais il ne voyait toujours pas le moyen d'y arriver sans la brusquer, la blesser.

Elle se perdit dans la salle de bains, récupéra la pilule, ressortit pour se servir un verre d'eau fraîche et l'avala cul-sec.

- Est-ce qu'un jour Bineta, tu seras enfin prête à aller de l'avant?

Elle arbora un regard plein de tristesse et de confusions. Sans le moindre geste brusque, elle se retrouva assise sur ses propres talons au pied de son homme. Ses mains surmontées de sa tête se glissèrent sur les genoux de Mamadou. Elle n'avait pas de réponse à cette question. Mamadou glissa alors ses doigts dans les tresses qu'elle avait déjà déballées.

***

Dimanche.
Elle avait passé une nuit mouvementée, cherchant la posture adéquate pour ne pas que son cuir chevelu s'enflamme plus. Elle n'avait pas trouvé. Mais elle avait fini par s'endormir: douleur ou pas.

Il avait passé un début de nuit d'insomniaque, se questionnant constamment sur la façon dont il allait bien pouvoir la rallier à sa cause. Il n'avait pas trouvé. Mais il avait fini par s'endormir: tourment ou pas.

Elle se réveilla et se mit à pleurnicher.

- Ça ne va pas?

- Ça fait maaal... Se plaignit-elle.

- Tu n'as pas autant pleuré pour ce que tu avais sur la tête avant.

- Ça n'a pas fait aussi mal. Et puis, mes locks n'étaient pas aussi longues, elles se baladaient moins et évitaient que je me retrouve couchée dessus.

- T'auras qu'à les couper alors.

Elle lui lança un regard noir.

- Tu veux un bisou?

- Il est antidouleur ton bisou?

- Non, malheureusement ça ne fait pas partie de mes super pouvoirs.

- Tchip. Tu dis ça pour ne pas avoir à me faire ce bisou là, ou bien?

- Toi aussi, comment pourrais-je ne pas vouloir donner un bisou à mon bébé?

Elle tchipa de nouveau et voulut sortir du lit. Il la ramena en toute urgence et l'emprisonna entre ses bras et sa poitrine.

- On peut savoir où tu vas?

- Prendre un bain espèce d'idiot.

- Attends, quoi? C'est qui l'idiot?

- Mais toi. Tu es idiot comme du gari qui se gonfle la poitrine dans l'eau, alors qu'il va se faire bouffer tout cru.

Il entrouvrit sa bouche mais à court d'expressions, se mit à amadouer La zone chatouilleuse de ce corps mou. Toutes les excuses étaient bonnes pour y toucher. Le rire convulsif fut inévitablement déclenché. Entre les supplications et le fou rire incontrôlable de Bineta, Mamadou se perdait dans une joie coquine, jusqu'à ce qu'elle explose un sanglot.

- Chérie? Je t'ai fait mal?

Il la ramena contre lui. Mamadou n'en pouvait plus de la femme triste qui dormait dernièrement dans son lit. Il avait connu et épousé une Bineta forte et féroce, pas cette dame affaiblie et frêle. Il ne pouvait désormais plus rien se passer sans flots de larmes. Cela dit, il arrivait encore à donner un sens à ses pleurs de coutume. Mais cette fois, il était dans l'impasse.

Il les allongea tous les deux dans les draps défaits, tandis qu'elle s'accrochait de plus en plus à son torse déjà trempé de larmes.

Il n'avait pas le courage de la regarder, il n'aurait pas supporté - encore une fois - d'assister à ce spectacle. Il aurait tout donné pour qu'elle s'arrête, qu'elle retrouve son sourire. En fait, il se jetait déjà la pierre pour avoir enclenché la machine.

Alors, il la laissa s'époumonner de larmes puis se calmer spontanément. Il ne l'entendait déjà plus sangloter lorsqu'une petite voix pleureuse parvint à son ouïe.

- Quand j'étais petite... Papa jouait tout le temps avec moi. Il me chatouillait chaque fois... Jusqu'à ce que je n'en puisse plus de rire... Il disait que... rire, c'est bon pour le cœur.

Tout tombait sous le sens. Il avait ravivé un bien trop douloureux souvenir du père perdu.

- Je te demande pardon chérie... Je ne voulais pas...

Mais demander pardon aurait-il arrangé la situation? Elle ne semblait même pas lui en vouloir. Elle en voulait juste au monde, à la nature, au ciel de lui avoir arraché l'être qu'elle aimait le plus sur terre. Ses geignements étaient loin d'être rendus à épuisement et le corps de Mamadou n'était plus que vide-douleur.

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant