96 - La bamboula.

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Elle parfumait la terre. Elle était la seule, qui avait le don de voler la vedette à sa mère. Son sourire aveuglait les méchants. Et son rire guérissait les sourds. Ses cheveux étaient encore plus rebelles que ceux de sa mère. À trois ans et demi, Astou parlait encore très peu, elle passait le clair de son temps à observer. Mais Bineta ne manquait pas de lui chanter des comptines, aussi bien en Koulango, qu'en Soninké. Sa belle-mère lui avait appris bien des ariettes du Sénégal.

C'était journée piscine. Bineta n'aimait pas dévoiler son corps au monde. Il n'y avait que Mamadou qui eût ce grand privilège. Si elle avait connaissance des burkinis, elle les aurait aussitôt adoptés.

Mamadou avait fait construire une piscine assez spacieuse chez eux. Au moins là, Bineta pouvait se pavaner en bikini. Qui ça? Le portier? Il n'avait pas accès à ce volet là de la maison. Enfin, normalement. Il se serait fait trucider par sa patrone, si jamais elle venait à découvrir, qu'il s'était une fois permis de la mater en soum.

Assa, l'épouse de Marcus, passait souvent profiter de la gratuité de leur piscine, avec Bineta. Elle en revanche, n'avait aucun complexe, quant à exiber sa taille de guêpe et ses fesses anesthésiantes. Par contre, tant que Bineta était en tenue légère, Marcus n'avait pas le droit d'être là aussi.

Ce n'était peut-être pas encore évident à ce moment là, mais Bineta était enceinte de deux mois. Ils croisaient puissamment les doigts, pour qu'en sorte un petit garçon. Mamadou avait déjà une tonne d'idées pour son prénom.

Ciré lui par contre, n'était pas près d'avoir un petit-frère. Coumba semblait avoir épuisé ses vies de mère. Aucune de leurs tentatives n'aboutissait à une grossesse. Et pour Cheikh, son mari, il n'y avait rien de plus frustrant.

Cissé junior grandissait à vue d'œil, son père n'en faisait que l'éloge.
Et parlant de ce cher Ladji Bambouré, il avait finalement épousé une autre femme. C'était une bien drôle d'histoire.
Tout avait commencé un an plus tôt. Marcus et Assa donnaient une réception pour le baptême de leur bébé, le troisième.

Tous les Cissé étaient invités. Mais pour ne pas être encombrant, Bambouré n'était venu qu'accompagné de Sadio. Il aurait voulu être accompagné de Sira, mais l'une des deux devait rester s'occuper des enfants. Et il était toujours hors de question de confier son sang à Sadio.  Coumba, Mamadou et leurs moitiés respectives étaient également conviés.

La bamboula¹. C'était censé être une garden-party, mais tout était parti en sucette, à la minute où ils avaient eu l'idée d'inviter des tam-tameurs à la fête.

Elle s'appelait Nikkiki, danseuse sénégalo-congolaise. Elle avait cette façon à elle, de se secouer sur les rebondissements des tambours. À la minute où elle s'était précipitée, pieds nus, au milieu du cercle de danse, toute l'assemblée n'avait d'yeux que pour elle. Sa mini-robe ne pouvait s'empêcher de remonter quand ses cuisses s'agitaient. Les grosses perles, qui parementaient son cou, bondissaient encore et encore, au rythme de sa poitrine. Ses dreadlocks ornées de cauris partaient dans tous les sens. Son visage maquillé d'un sourire radieux, surbrillait sous l'afflux de la sueur qui sortait de son front.

Les yeux de Bambouré avaient été les plus piqués ce soir là. Mais trop affairée à faire monter la température dans le jardin, Nikkiki n'avait pas eu le temps de remarquer ce regard parmi tous les autres. Son imposant boubou pourtant, ne le rendait pas inaperçu.

Mais un détail choqua tout le monde au moment où Ladji annonçait sa décision de la prendre pour épouse. Nikkiki était noire. Pourtant Ladji, tout comme son fils, avait un attrait particulier pour les femmes claires. Et pour lui, toutes ses épouses devaient être plus ensoleillées les unes que les autres. Puis la vérité éclata : Nikkiki portait un enfant de lui.

- «Mais papa, comment est-ce arrivé?» L'interrogeait son fils aîné.

- «Tu aimerais peut-être que je te projette le film de la nuit qu'on a passée?»

- «Mais bon sang papa, les préservatifs, ça existe non?»

- «Ce n'est pas de ma faute si mes spermatozoïdes savent dribler les préservatifs.»

- «C'est ça, bien sûr. Dis plutôt que tu n'as pas pu résister à l'idée d'y aller sans.»

- «Eh bien, c'est elle la femme. C'était à elle de savoir si c'était une période dangeureuse ou pas.»

- «Et donc, elle t'a piégé.»

- «Comment? Moi Ladji Cissé, me faire piéger. Mais les enfants d'aujourd'hui ne respectent plus personne!»

- «Eh bien pense ce que tu veux, moi je ne dis que la vérité. Tu connais combien de femmes de vingt-six ans qui s'amourachent d'un vieux de cinquante-sept ans?»

- «Regardez moi cet enfant impoli là. Quand vous mangez n'importe quoi là, c'est normal que vous soyiez vieux à seulement cinquante ans. Quant à moi, je suis autant en forme qu'avant. La preuve, elle attend un enfant de moi. Et puis, tu racontes juste n'importe quoi parce que j'ai réussi à avoir, une femme que tu pourrais épouser.»

- «Mais bien sûr. Bineta n'a absolument rien à lui envier.

- «Sur ce point, je suis peut-être d'accord.»

Mamadou étouffa un rire.

- «Sinon ça va aller côté physique?»

- «Comment ça?»

- «Papa, elle est noire. Et on sait tous que tu es obsédé par les teints clairs. Il ne faudrait pas que tu finisses par te lasser d'elle. Elle est très jeune comme tu l'as remarqué. Et si elle a été capable de te piéger, elle serait capable d'aller voir ailleurs.»

- «Mam! Qui t'a appris tout ça? Tchiééé, je suis foutu. Allez, sors d'ici!»

- «Mais...»

- «Je t'ai dit de sortir de ma maison! Ah ah ah ah ah ah ah, mais je suis foutu hein!»

Mamadou se fendait la pipe comme un malade.

- «Tu es encore là?»

- «Ok ok, je m'en vais. Mais je dis la vérité, penses-y.»

Il croisa sa mère.

- Mam, mais...que se passe-t-il ici? Ton père crie pourquoi?

- Rien ma, ne t'inquiète pas.

Il s'arrêta une seconde, déposa un baiser sur le front de Sira, avant de s'en aller.

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1: La bamboula est une danse effectuée au son d'une variété de tambour africain, le bamboula, dont elle tient son nom.

On est enfin sortis des épuisants souvenirs de Mamadou et de Bineta. La vie reprend son cours et Ladji Bambouré a encore frappé😂. À votre avis, qu'est-ce qui viendra foudre le bordel cette fois dans leur quotidien? On se retrouve vendredi pour la suite😉

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant