Mamadou & Bineta 🖤

102 - Plus de peur que de mal, encore une fois.

Ils avaient appelé chez le grand chef, espérant que la petite s'était déposée là. Mais la seule chose qu'ils avaient réussi à faire, c'était d'allonger la liste des paniqués.

Ils réfléchissaient, sous la pluie, à l'intérieur de la voiture.

- Et si on rentrait? Proposa-t-il. Qui sait? Peut-être qu'elle est rentrée...

- J'en sais rien... Peut-être qu'elle est encore dans le coin, peut-être qu'elle va revenir et...et si elle ne trouve personne pour la recueillir, sous cette pluie...

C'était un véritable dilemne cornélien.

- Rendez moi mon bébé Seigneur... Mon bébé...

Mamadou se tourna un instant vers l'arrière. Tout le monde l'avait oubliée, Myriam. Elle dormait, comme le bébé qu'elle était. Même les manœuvres du bon samaritain n'avaient pas réussi à la réveiller. Peut-être parce qu'elle était souffrante, et que ses médicaments l'assomaient. Il jeta un dernier regard autour, avant de reprendre la main de son épouse.

- Ma chérie, je sais que tu n'en es pas sûre mais... je pense qu'on devrait rentrer.

- Non...

- Fais-moi confiance, s'il te plaît et rentrons. Elle est très futée et je suis sûr qu'elle ne s'est pas fait kidnapper, on va la retrouver. Mais ce n'est pas en restant là qu'on va y arriver.

- Mais pas en rentrant non plus... Fais quelque chose bon sang, ne me regarde plus!

Comment fallait-il faire encore?

Entre les fines goutelettes de pluie, un conducteur de taxi s'arrêta devant eux. Cela attira l'attention de l'homme, mais celui de la femme, uniquement lorsque la portière laissa tomber de petits mollets.

- Mon bébé, souffla-t-elle.

Ils descendirent immédiatement à la rencontre de leur fille. C'est seulement lorsque les portières claquèrent, que Myriam se réveilla.

Bineta se jeta presque au cou de sa fille. Mais ça, c'était parce qu'elle n'avait pas encore vu son accompagnatrice.

- Astou! Astou, mon bébé!... Mais qu'est-ce qui s'est passé? On t'a cherchée partout dans les environs de... Fenda?! Mais qu'est-ce que tu fais là?!

- Bonsoir Bineta.

- Non! Ne me dis pas bonsoir! Qu'est-ce que tu as fait à ma fille?

- Rassure-toi, je...

- Non je ne me rassure pas!

Sous leurs regards à tous, Bineta se traîna avec son gros ventre, jusqu'à Fenda.

- Écoute-moi bien vieille sorcière. Si jamais tu as touché à un seul cheveu de ma fille, je te promets de faire de ta vie un enfer.

- Maman, arrête s'il te plaît, elle ne m'a rien fait. Je suis allée la voir moi-même.

- Tu as envoûté ma fille! Hein? Vieille sorcière! J'aurais dû me douter ce jour que je t'ai vue au marché, que tu lui lancerais un sort.

- Bineta, s'il te plaît calme-toi. Viens.

- Non Mam! Je ne me calme pas! Tu ne vois donc pas que cette vieille mégère nous veut du mal?... On s'en va!

Elle s'empara du poignet de sa fille et la traîna dans le véhicule. Mamadou jeta un dernier œil à son ex-marâtre.

- Je te demande pardon mon fils. Pour tout ce qui est arrivé par le passé, mais je te le jure...je n'ai rien fait à ta fille... Elle est très intelligente tu sais...

Au loin, Bineta passa sa tête au travers de la fenêtre et hurla:

- Mamadou! Ne m'oblige pas à venir te chercher toi aussi!

Il hocha la tête et donna un sourire à Fenda, avant de bouger.

***

Alors que sa mère prenait du temps à venir la chercher, la petite espiègle était allée faire un tour au marché. Ce n'était pas loin de l'école, pour ceux qui savaient vite marcher, quinze minutes à pieds. Fenda était déjà en train de fermer, Astou tombait à pique.

- Pourquoi tu as essayé de me kidnapper? L'apostropha-t-elle.

Elle se retourna, prise de stupeur.
Elle avait mis du temps, mais elle avait fini par reconnaître la petite. Ni pourquoi, ni comment, elle s'agenouilla et prit Astou dans ses bras.

- Si seulement ta mère et toi pouviez me pardonner...

Elle s'écarta et plongea son regard dans celui de la petite.

- Je te promets que je n'ai jamais voulu te faire de mal. Et je sais que mon acte est abominable... Mais j'étais perdue, consumée par la douleur et la peine.

- Ma maman t'a fait du mal?

- Non...non. Ta maman est une bonne personne. Je ne peux pas te raconter ce qu'il s'est passé, mais, je peux te dire... que l'excision est une pratique qu'il faut condamner.

- C'est quoi l'excison?

- Tu comprendras plus tard, quand tu seras grande.

- Mais je suis déjà grande!

- Quand tu seras plus grande alors, répondit-elle en souriant.

Ses larmes commençaient à s'effacer.

- Mais, qu'est-ce que tu fais là, seule? Où sont tes parents? Tu n'es pas censée avoir fini les cours?

- Bien sûr. Mais maman ne venait pas.

- Mais c'est pas bien du tout ça ma petite. Ta maman va s'inquiéter si elle ne te trouve pas. Tu sais que le stress, c'est mauvais pour les femmes enceintes?

- J'avoue que je n'y avais pas pensé.

- Attends, je prends mon sac et je te raccompagne.

- D'accord, accepta-t-elle toute excitée. Mais à une condition.

- Ah ça... Mais laquelle?

- Il faut que tu viennes voir maman avec moi.

- Mais...

- Elle et papa se sont fâchés hier, parce qu'elle voulait envoyer les policiers te chercher.

La face de Fenda se décomposa.

- Je ne suis pas la bienvenue aux yeux de ta mère. Elle va penser que j'ai encore essayé de te faire du mal.

- Peut-être, mais si tu ne viens pas avec moi la voir, je vais lui dire que tu es venue me prendre de force à l'école.

- Eh Allah, tu n'oserais pas faire ça?

- Tu seras surprise de voir que oui. Moi je veux juste que vous vous réconciliez, comme ça maman ne sera plus fâchée et les policiers ne viendront pas te chercher.

- La vie n'est pas aussi facile que ça ma fille.

- D'accord.

Astou fit mine de s'en aller mais Fenda la rappela. À l'époque, la petite ne réfléchissait pas aux conséquences de ses actes. Cependant, la pluie s'annonçait. Elles se dépêchèrent de prendre un taxi toutes les deux. Elles étaient passées devant l'école. Mais sa mère n'était pas là. Astou se demandait si sa mère l'avait manquée ou n'était tout simplement jamais passée? En vérité, elle était déjà partie à sa recherche, accompagnée de son mari. Mais sous cette grosse pluie, elles n'auraient pas risqué de descendre. La petite trouva alors une autre idée, quelque peu réfléchie. Le cabinet de son papa était à environ vingt minutes de là. Fenda s'était présentée comme étant une tante de Mamadou, Astou était très coopérative, alors les choses passèrent très vite. Il était parti en urgence depuis plus de quarante minutes. La petite en déduisait que ses parents devaient être en pleine panique. Ils reprirent alors le chemin de l'école.