3-Sérieusement, Bineta veut avoir un bébé?

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Alors que les feuilles de cocotier valsaient pour les caprices de Favonius, une éblouissante Mercedes AMG-S 63 se glissa entre les limites de la clôture. Son blanc étincelant était fidèle à son silence perturbant. Aussitôt entré, le portier referma adéquatement le portail derrière le parchoc.

Allongée dans le sofa et agrippée à ce même coussin qu'elle avait maltraité la veille, Bineta se fendait la pipe devant cette drôle de diffusion: The Big Bang Theory. Les aboiements joviaux de leur Rottweiller l'ôtèrent instantanément au canapé.

Elle sortit aussitôt, dans le seul but d'accueillir son époux.

- Bonne arrivée mon chéri.

Elle lui prit sa vieille sacoche en cuir.

- Ça va?

- Ça va, répondit-elle tout sourire.

Bras dessus bras dessous, le couple déserta la cour, abandonnant derrière lui, le gardien des lieux. Ce dernier cessa d'aboyer lorsqu'ils disparurent derrière la porte. Puis il regagna son poste en boudant.

À peine à l'abri des nuages, Mamadou ramena son épouse contre lui.

- Attends, minauda-t-il.

- Quoi?

Ah oui! C'était bien de la tendresse dans la réponse de Bineta.

D'une main douce, il libéra les tempes de Bineta de ses courtes locks et se pencha suffisamment pour couvrir ses lèvres d'un chaste bisou.

Elle lui lança ses petits yeux ronds naturellement hyperciliés. La dame petite ne se perdit pas à dissimuler le sourire qui se dessinait sous son nez.

- Tu devrais peut-être... Changer ce sac, il commence vraiment à se faire vieux.

Sur ces mots, elle monta soigneusement les marches avant de poser la sacoche à son habituel emplacement.

La nuit allait peut-être être longue...

Bineta avait indéniablement le sang «chaud», mais sa grande particularité: elle ne se levait jamais de mauvaise humeur. Elle pouvait haïr de toutes ses entrailles la veille, mais immaculé était toujours son réveil. Très embêtant pour ce pauvre Mamadou, car ses tentatives pour la garder en feu plus d'un jour n'aboutissaient jamais. Mais c'était aussi l'un de ses plus beaux miracles: il pouvait à tout jamais revenir sur le même sujet: elle ne se braquait pas à tous les «il faut que l'on parle».

Bineta n'avait pas une mémoire de passoire, mais elle avait déjà de quoi faire pour s'attarder sur de petites disputes quotidiennes.

Ils s'étaient tous les deux forgé leur petit nid d'amour, au fil de leurs deux premières années de communion. Loin de se cacher derrière des insinuations infantiles, les deux tourtereaux n'avaient jamais hésité à faire le joli cœur l'un à l'autre.

Mais il était désormais temps pour Mamadou de s'oublier et de penser à inviter des pleurs nocturnes dans cette grande demeure, un sourire innocent, des balbutiements, ces langages auxquels seuls les béabas viendraient apporter du sens.

Mais Bineta ne semblait pas d'avis. En réalité, le plus choquant ne fut pas sa réticence, mais son refus catégorique et perpétuel. Elle voulait jamais ne porter miette de fœtus. Mais pourquoi donc? Parce qu'elle s'était un peu trop accrochée à leur petit cocon? En réalité, Mamadou se rendait seulement à l'évidence qu'il n'avait jamais posé la question.

Le dîner se déroula dans le calme, sinon un silence décontenançant, mis à part un petit:

- Délicieux,

Accompli du fugace:

- Merci chéri.

Et voilà une bien inquiétante journée chez Mamadou et Bineta: ils ne s'étaient pas pris la tête? Pas du tout? Même s'il avait passé le clair de la journée au boulot et elle à la maison, personne n'avait pinaillé?

Sacrilège!

Sur les carreaux miroitant son reflet, il s'avança, en gougounes, vers cet embonpoint trop occupé à la vaisselle pour le remarquer.

Alors que ses deux bras encadraient l'évier, son menton trouva refuge dans un creu qu'il venait de combler. Pour échapper au silence fracassant de la dînette de Gargantua, il glissa un sage baiser sur la joue fraîche de son épouse.

- Tu veux que je te lave toi aussi?

- J'avoue que l'idée ne serait pas de tout refus mais... Il faut qu'on parle.

- Hum... Tu es sûr que ta position là, c'est pour parler?

Faute de trouver réponse à cette question, il esquissa un sourire et lui demanda de se retourner. Sans se faire désirer, elle fit dos à l'eau mousseuse, abandonnant poêle et assiettes à leur propre sort.

- Tu es ma femme, tu le sais.

- Biensûr, acquiesca-t-elle fièrement.

- Et depuis deux ans que nous sommes mariés, tu as toujours su faire de moi un homme comblé.

- C'est un honneur monsieur Cissé.

- Mais depuis un certain temps... Il me manque quelque chose.

Elle dessera la prise qu'elle avait sur la nuque de son mari.

- Tu trouves... que je ne m'occupe pas assez bien de toi, c'est ça?

- Non... Non. Même pas c'est... En réalité, tu l'as toujours si bien fait.

- Alors qu'est-ce que c'est?

- Bineta.

- Dukè mrɔ [Dis-moi]

- Bineta, je veux être père.

Prise d'une soudaine inspiration forcée, elle laissa ses bras au gré de la pesanteur, puis les lui arracha en les déposant sous ses avant-cœurs. Ceux-ci s'en virent projetés vers les hauteurs! Momentanément ahuri par cette montée de vagues ambrées, il ne revint à lui que lorsqu'il perçut une réponse.

- Quoi? Qu'est-ce que tu as dit?

- J'ai dit d'accord.

Franchement? Je préférais encore lorsqu'elle se mettait à palabrer. Elle n'accepterait pas aussi facilement, à moins que cela l'arrange; ça l'arrange?!

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant