70-Loin de la chambre, près du cœur.

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Il venait d'entrer dans la pièce. Elle sortait de la salle de bains.

- Où est-ce que tu l'as mis? Demanda-t-il en fixant le sol.

- Quoi ça?

Il porta alors son œil sur la culotte en jersey coton, que revêtait son épouse.

- Ah ça. Ta copine a perdu ses autres strings? Pauvre petite.

En d'autres circonstances, il se serait tordu de rire. Mais il ne put s'empêcher de sourire en remuant de la tête. Ce n'était pas en réponse à ce qu'elle venait de dire. C'était parce que Bineta se permettait de le provoquer en se dirigeant vers l'armoire à glace. Elle se dandinait périlleusement. Et lui, le pauvre, il pouvait juste ravaler sa salive.

- Voilà, dit-elle en ressortant le bout de tissu des affaires de Mamadou. Je l'avais remis à sa place.

Et elle le lui lança. Par réflexe, il rattrapa le sous-vêtement.

- Joli! Lança-t-elle avec sarcasme.

Il entrouvrit la bouche, surpris.

- Mais non, t'affole pas. Je parlais de ton habileté. Ce truc, c'est une véritable horreur. Elle n'a aucun goût en plus, la pauvre.

Mamadou sourit encore. Cette fois-ci, jusqu'aux dents. Mais s'il savait combien elle se retenait de le trucider parce qu'il avait rattrapé ce truc, il fuirait la pièce en vitesse. Il aurait dû le laisser tomber.

- Je suppose que...

- Oui, tu dors dans le canapé. Même en dessous, ça me ferait plaisir.

Il la vit repartir pour la salle de bains, sans le lâcher des yeux. Et lorsqu'elle se retrouva dos à lui, poussant la porte en plexiglace, il ravala sa salive, une seconde fois. Il avait plutôt intérêt à trouver au plus vite une preuve de sa présumée fidélité. Elle avait été plutôt clémente, trouvait-il, quand il se rappelait que c'était le soir du matin où elle avait soi-disant découvert une preuve infaillible de son adultère.

Mamadou jeta un œil sur sa gauche, s'avança et laissa tomber le truc dans la poubelle automatique avant de ressortir de la pièce. Mais ce qu'il ignorait, c'est qu'elle l'avait vu, arrêtée derrière la porte de la douche. Elle le regardait s'en aller, la face habillée d'un regard de chien battu. L'une de ses mains s'opposa au rebord de la porte en même temps que sa tempe, et elle soupira.

Bineta allait se mettre à se poser des questions dont elle n'avait pas les réponses. Mais des bruits de pas la réveillèrent. Sans réfléchir, elle se fondit de nouveau derrière l'ombre de la porte. Mamadou entra et récupéra son téléphone sur la table de chevet. Il allait partir lorsqu'il décida de revenir sur ses pas. Elle le vit soulever son oreiller par la pointe, se figer un instant avant de le reposer. Il jeta un œil en direction de la porte de la salle de bains. Prise de court, Bineta lâcha automatiquement le bout de rideau, au travers duquel elle l'épiait. Et il n'y vit que du feu.

Au moment où elle écartait de nouveau le rideau, il ressortait avec un oreiller.

La nuit s'annonçait éperdument longue pour les deux époux. Mamadou tentait, tant bien que mal, de se trouver une position assez confortable dans son nouveau lit.

Bineta déposa tristement son nez dans son oreiller. Mais à l'instant, elle fut presque certaine que ce n'était pas le sien. Elle était la seule à mettre du parfum pour dormir. Oui, et alors? Mais justement, cet oreiller sentait tout sauf son parfum. Elle ne s'en détacha pas et se mit à rigoler tout bas. Il avait permuté les oreillers. Ils étaient identiques, ils étaient blancs. Elle s'était cachée suffisamment longtemps pour ne pas le voir à l'œuvre de sa mission interdite. Elle ne savait même pas quoi dire. La nuit allait porter conseil.

En bas, Mamadou croisait les doigts. Il savait qu'elle avait toutes les chances de démasquer la magouille. Elle avait toujours eu du flair, un odorat de chienne. Mais tandis que le temps passait, et que ses yeux se fermaient, il devinait deux possibilités. Soit elle avait choisi de garder le mauvais oreiller, parce que tout comme lui, elle avait besoin de sentir son homme tout près, soit elle ne s'en était pas aperçue. Et la deuxième hypothèse était peu plausible.

Doux chatons, adorables chatons, petites boules de poils. Gentils chatons, tendres chatons, dormez, dormez, dormez.

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant