Mamadou & Bineta 🖤

43- Un deuxième bureau peut-être?

La distance était difficile. Mamadou et Bineta n'avaient jamais été séparés plus de quelques heures depuis leur mariage.

Alors qu'ils n'étaient qu'en concubinage, Mamadou faisait régulièrement des aller-retour entre Abidjan et Ndar. Ils restaient parfois sans se voir un mois entier. Et comme la majorité des couples frais, c'était la torture, un manque pire que celui d'un toxicomane brusquement sevré.

Mamadou ne se voyait pas perdre sa dulcinée, se la faire piquer par l'un des beaux parleurs de Yopougon. Une période où il était bien possessif. Mais évidemment, Bineta le "remettait à sa place". Et pourtant, au fond, elle avait la même inquiétude à son égard.

Il l'appelait tous les matins au réveil et tous les soirs au coucher, bien souvent entre midi et trois, parfois entre minuit et deux... Il ne pouvait s'empêcher d'être inquiet même si elle était entourée de ses sœurs.

Bineta quant à elle ne cessait de lui chanter de rester docile: seul dans ce Sénégal bourré de canons, seul dans une bien trop belle et grande maison, et un homme tout simplement...

Dans le hall de son établissement de travail, Mamadou discutait, mains dans les poches, avec son ami d'enfance. Marcus ne pouvait s'empêcher d'envoyer son regard dans la direction des guichets.

- Hey Mamadou, regarde.

- Quoi?

- La fille du guichet numéro 4.

- Qui ça? Marcelle?

- Ah mais dis donc, tu connais son prénom toi.

- On travaille dans la même entreprise, non?

- Non, laisse ça. Tu vas pas me dire que tu connais le prénom de tout le monde ici.

En revenant au regard de son ami, Marcus se rendait à l'évidence que oui. Le monsieur connaissait le nom de toute l'administration là-bas.

- Bon sang Mam, tu es bizarre toi.

- N'importe quoi, je suis humain.

- Ah non, je suis désolé, nul n'est humain s'il arrive à rester marié à Bineta.

Malgré la noirceur de cette blague, Mamadou s'esclaffa.

- Fais attention Marc, c'est de ma femme que tu parles.

- Ouais ouais... Alors, tu comptes faire quoi d'elle? L'interrogea-t-il indiquant le guichet numéro 4.

- Comment ça ce que je vais faire d'elle? On bosse dans la même banque et c'est tout.

- Ah non mec, tu vas pas dire que tu n'as pas remarqué?

- Remarqué quoi?

- Mais qu'elle passe son temps à te faire le joli cœur. Tout le monde ici est au courant.

- Eh bien merci pour l'info monsieur le potinier.

- Oh allez, sois pas rabat-joie. T'as vu un peu le matos? On dirait qu'elle est sortie tout droit d'une usine de poupées.

- Si elle te plaît autant, pourquoi tu ne la prends pas?

- T'es idiot ou quoi? C'est à toi qu'elle fait les yeux doux, c'est toi qui lui plais. Si elle daignait me regarder ne serait-ce qu'une minute, je serais déjà au septième ciel, dit-il en imitant un avion décolant.

- Assa devrait entendre ça.

- Laisse la en dehors de tout ça, elle est bien là où elle est.

Mamadou se moqua.

- Allez mon frère, faut que je te laisse, j'ai un appel à passer.

- Non mais attends, et la minette?