91- Blanc, blanc plus que neige.

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Mamadou était devant l'appartement de Manël. Ce n'était clairement pas la grande entente entre ses parents et elle, alors elle avait déménagé.

Ses parents lui auraient souhaité d'être chirurgienne, chef d'entreprise, architecte, magistrate, ect., mais sûrement pas peintre-écrivain. Deux passions sur lesquelles elle avait dû se rabattre pour s'accrocher à la vie. Ses parents s'étaient arrangés pour briser son rêve d'intégrer l'armée du pays. Elle était pourtant en bonne voie pour atteindre son objectif, l'une des plus endurantes et des plus futées de toute sa promotion. Mais c'était un choix beaucoup trop dangeureux aux yeux de ses parents, ce n'était pas un boulot pour les femmes, pas pour leur douce Manël en tout cas. Et à l'amour comme à la guerre, tous les coups étaient permis. Ils s'étaient donnés corps et âme pour mettre un terme à cette belle carrière qui n'avait même pas encore commencé. C'était la principale cause de leur désunion, Manël ne leur avait jamais pardonné, ils avaient détruit sa plus grande ambition. Alors, pour les punir, partir de la maison ne suffisait pas, il fallait opter pour une profession qui ne leur plairait pas non plus. Même si de loin, ils préféraient l'artiste qu'elle était devenue à la militaire qu'elle aurait été. Cela étant, elle ne se gênait pas pour utiliser les comptes blindés qu'ils créditaient continuellement. Une mère magistrate; un père chirurgien plasticien, toujours entre deux avions. Leur frère aîné tenait un cabinet d'avocats, en plein dans son ascension. La cadette était radiologue, et la benjamine montait déjà sa propre compagnie. Manël était la brebis galeuse de la famille.

Mamadou et elle s'étaient rapprochés en un rien de temps, trois petites semaines. Soucieuse de marquer son territoire comme le lui avait appris Amira, elle était devenue plus entreprenante.

Le temps était humide. Mamadou revenait du boulot, c'était la deuxième fois qu'il mettait pieds chez elle. La première fois, c'était pour la déposer, après un dîner qu'elle avait proposé. Mais là, il allait entrer. Elle ne se sentait pas très en forme, lui avait-elle confié au téléphone, et elle se sentait seule, elle s'ennuyait, parce que Amira n'était pas très disponible par ces temps. La demande sous-entendue était claire. Visiter une amie indisposée, lui redonner du peps, et peut-être un bout d'inspiration pour ses œuvres. Mamadou n'aurait pas pu se défiler à un tel moment.

Elle était toute emmitouflée, la tête emballée dans un bonnet épais. La nature l'avait frappée d'un bon coup de froid pour s'être aventurée sous une pluie féroce.

Un chaste câlin accueillit Mamadou. Ce salon était un paradis miniature, extrêmement rangé. Mais surtout, il n'avait jamais vu autant de blanc dans un même endroit. Les quelques rares couleurs présentes étaient pâles. Les tableaux, qui n'étaient pas ceux de Manël, choquaient par leur immense discrétion. Un vase bleu et blanc contenait des orchidées blanches. Un aquarium cubique trônait au fond de la pièce. Les plafonniers décoraient plus qu'ils n'illuminaient. Et la télévision aurait pu servir dans une mini salle de cinéma.

Une averse avait fait son show dans la matinée, du coup, l'ambiance thermique était plus que favorable. Les rideaux de taffetas réverbéraient leur candeur sur tous les murs de la pièce. Amira avait incessammant tenté de mettre un peu plus de punk dans cet appartement, sans succès. Après tout, c'était ainsi que Manël savait vivre, dans une sobriété inouïe. L'armée était jadis, sa seule échappatoire.

Ils arrivèrent tous les deux au milieu de la pièce, là où reposaient les plus beaux meubles de la maison.

– Bienvenue dans mon humble demeure.

– Tu parles d'une demeure! C'est super chouette chez toi.

– T'es sûr? Tout le monde trouve tout ça un peu fade.

– La fadeur n'empêche pas la beauté. C'est assez singulier, mais pour toi, c'est parfait.

– C'est super gentil, merciii.

– T'as froid à ce point?

Elle jeta un coup d'œil rapide à son camouflage et ricana.

– Non... plus maintenant.

– Alors... pourquoi...?

– En fait, je sais pas si t'as remarqué mais...

Elle tourna son index autour de son visage ovale.

– Je viens de me réveiller. J'avais froid en me couchant.

– Attends, t'es pas sérieuse là. Tu viens de te réveiller?  Vraiment?

– Quoi, pourquoi?

– Enfin, c'est vrai que ta mine est un peu terne mais... t'es vraiment sérieuse là?

– Donne-moi une seule bonne raison pour laquelle je te mentirais.

– J'en ai aucune en fait, et c'est encore plus embêtant.

Elle cala ses mains sur les hanches.

– Ne le prends pas mal, c'est juste que t'es un peu trop jolie pour quelqu'un qui vient de se réveiller.

– T'es drôle. Tu veux boire un truc? De l'eau ou un jus de fruit? Et je t'interdis de dire non hein.

– Un jus d'orange, ça ira alors.

– Je reviens avec. Je t'en prie, assieds-toi.

Installé dans un sofa, il se plaisait à contempler la pièce. 

– Désolée Mam, il me reste que du jus de fraise en ce moment.

– Ça existe ça?

– Mdr, tu vis dans quel siècle toi?

– Disons juste que je ne détiens pas la science infuse.

– C'est ça, je te l'apporte ou pas?

– Pourquoi pas? Autant découvrir.

Sous les yeux de Mamadou, le jus coula dans son verre. Manël avait l'air de péter la forme. Elle lui tendit le verre qu'il bloca entre ses lèvres, sans la lâcher du regard. Elle s'adossa dans le divan, toujours emmitouflée.

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant