101 - Portée disparue.

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Bineta était au trente-sixième dessous, affolée et incontrôlable. Et comme toujours, Mamadou tentait de l'apaiser, mais rien n'y faisait, comme d'habitude.

C'était lundi, un lundi comme tous les autres. Les cours avaient repris, Astou y avait été déposée par sa propre mère, dans l'avant-midi. Mais, dans l'après-midi, en route pour la récupérer, Bineta eut une crevaison. Il n'y avait ni vulcanisateurs ni mécaniciens dans le coin. Elle savait changer une roue, mais son état le lui prohibait. Elle appela donc son époux pour qu'il envoie leur mécanicien. L'attente lui paraissait interminable. Elle espérait alors qu'une bonne âme lui vienne en aide. Mais malgré la vive animation de cette grande artère, nul ne s'arrêtait.

Miraculeusement, un jeune homme interrompit son voyage en l'appercevant sur la bande dérasée. Elle avait le ventre arrondi et une peau qui éteignait le soleil, mais il fut surtout interpellé par son air harassé. Elle allait et revenait tout près de son véhicule, une main sur le front, une main sur la hanche.

- Bonsoir madame. Un souci?

Elle laissa un souffle défoncer ses lèvres.

- Mon pneu est crevé. Et clairement, dit-elle en balayant son tronc des mains, je ne peux pas m'en occuper.

Il arbora un rire très recherché.

- Y a un truc de drôle? Reprit-elle un peu remontée.

- Ah euh... Je me disais juste...

- Oui?

Le regard qui le fusillait lui coupa toute envie de répondre.

- Vous avez un pneu secours?

Elle baissa sa garde et lui indiqua la malle arrière. Le bon samaritain déboutonna et retroussa ses manches. Il fit descendre la nouvelle roue, le cric, le triangle de sécurité et deux clés.

- Une clé dynamométrique? Ben dites donc, vous avez l'air de bien vous y connaître en voiture.

- Je parie que vous n'auriez pas dit ça à un homme.

- J'avoue, oui. Et je ne pense pas que je me serais arrêté pour un homme non plus. Je peux comprendre votre frustration mais c'est la nature des choses.

Il installa le triangle à proximité et se baissa près de la carrosserie.

- Attendez. L'interrompit-elle.

- Dites-moi.

- Ne vous gênez pas, laissez tomber.

- Sans vouloir paraître indiscret, pourquoi?

Elle soupira, pour toute réponse.

- Votre mari, c'est ça?

Elle ramena son regard à lui.

- Écoutez, je sais que ça peut paraître bizarre mais... je ne suis pas là dans l'intention de vous faire la cour.

Bineta sourit en remuant la tête.

- Même si vous êtes magnifique, j'avais déjà compris que vous êtes prise.

Il ajouta ces mots en fixant le ventre avec insistance, avant de se pencher sur l'alliance de Bineta.

- Mais je me suis dit que je pouvais sans doute aider, vous m'aviez l'air particulièrement préoccupée.

- En effet, y a ma petite que je dois prendre à l'école, et je suis déjà en retard.

- Alors... vous me laissez vous aider?

Quelques secondes pour y penser prodondément. Oh, et puis on s'en fout!

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant