Mamadou & Bineta 🖤

47- Une question de timing parfait.

Son alarme bipa. Il enfonça sa tête de plus bel dans le coussin: la loi devrait interdire qu'on se lève aussitôt. Il reposa sa tête sur le côté. Ses paupières encore dérangées par la chassie parvinrent tout de même à laisser à ses yeux.

Quel bonheur de redécouvrir le cadre photo qui dormait sur la table de chevet. Une robe blanche, un costard blanc, un souvenir, un mariage, deux sourires, une capture, un moment immortalisé.

C'en était presque à rêver de se remarier avec elle. C'était sans aucun doute, l'un des plus beaux jours de son existence. Il gagna bien des secondes à sourire à la photographie, avant de prendre son téléphone.

- OK Google, appelle "bébé".

Au bout de trois sonneries, une voix dormante caressa les oreilles de Mamadou.

" Bonjour... "

- Mmh, la paresseuse. Depuis quand tu dors jusqu'à pareille heure?

" Depuis que Limata a appris la nouvelle..."

- La nouvelle?

" Oui papa "

La tentation du sommeil s'envola aussitôt, et il se redressa brusquement dans le lit.

- Attends... Est-ce que...?

Pour toute réponse, Bineta lâcha un rire timide.

Qui pour décrire ce qu'il ressentait à l'instant même! Un volcan dans une micropipette? Son âme dansant dans son corps? Cette créature n'était pas encore née, elle n'avait même pas encore fini de prendre forme, mais Mamadou se sentait déjà complet, au comble du comblement.

- Combien?

" Si mes calculs sont justes, ça fera un mois demain. C'est approximatif puisque mon cycle est irrégulier mais..."

- Je crois qu'on détient un timing d'enfer là.

" Le livre Guinness des records, ça te dit? "

- Oh que ça me dit. Et attends un peu qu'elle soit née, elle sera élue Miss cosmos.

Éclats de rire aux saveurs de la fleur de l'amour.

" Tu as l'air confiant en ce qui concerne son sexe dè. "

- Fais moi confiance.

" Je ne fais que ça. '

- Je descends ce soir.

Le lit bruissa de l'autre côté: elle venait de s'y redresser.

" Quoi? Mais... "

- Ne discute pas bébé.

" Et le boulot alors? "

- Ce n'est pas l'absence d'un week-end qui va faire couler l'entreprise.

" Et pour ta promotion alors? Ça fait si longtemps que tu la veux. "

- Eh bien je l'aurai quand-même. Sinon, il y en aura d'autres. Mais un bébé, ce n'est pas tous les jours.

" Et une promotion de cette taille là? "

- Jusque là, je n'ai eu aucun mal à m'occuper de nous, n'est-ce pas?

" Il ne s'agit pas d'argent Mam, mais d'un rêve que tu m'as confié il y a bien plus de cinq ans... Ce rêve existait avant moi. Moi je suis là, toujours, je suis ta femme... et le bébé ne va pas sortir aujourd'hui. Alors, reste au Sénégal et bats-toi pour ton rêve... Et quand on se reverra, je peux te promettre que tu ne regretteras pas de m'avoir écoutée. "

- Tu te rends compte que j'aurai sans doute bien moins de temps pour toi et... pour nos enfants?... Je ne sais pas si ça en vaut la peine... Oui, c'était ma plus grande ambition. Mais les choses changent et aujourd'hui, toi et le bébé, vous êtes ma plus grande ambition... J'ai envie d'être avec vous aujourd'hui. Alors je serai avec vous aujourd'hui. Peu importe ce que ça me coûte.

" Je ne suis pas d'accord. "

- Bineta...

" C'est non. "

Et elle raccrocha.

À la seconde, la porte s'ouvrit sous ses yeux, et Limata pointa son nez, le typique nez des filles Adou, le seul et l'unique qu'elles avaient toutes hérité de papa: long, rebondi et légèrement étalé.

- C'est qui ça? Dit-elle avec un gros sourire aux lèvres.

Elle entra et installa le bazar dans la coiffure de sa petite-sœur.

Idja entra derrière elle, les yeux tombants de fatigue. Et elles s'assirent autour de la future mère. Sentant des vibrations près de son derrière, Limata identifia le coupable: Mamadou rappelait.

Bineta déposa le téléphone sur la table de chevet sans racrocher.

- Hayi. Mais tu ne décroches pas pourquoi?

Elle ne répondit pas à Limata. Cette dernière fixa longuement Idja et se décida à décrocher.

- Limata, la réprimanda Bineta.

- Shuuut.

" Chérie? Ça va? Pourquoi... "

- Eeeh beau-frère, faut te calmer d'abord. C'est pas encore ta chérie.

" Salimata? "

- Elle-même... Donc voilà, ta chérie, elle fait la gueule ici, on sait pas pourquoi elle voulait pas décrocher.

" Tu peux me la passer, s'il te plaît? "

- Tchiii... Donc toi aussi tu aimes femme comme ça quoi. Attends, je te la passe même.

Prise au piège, elle n'eut autre choix que d'accepter de prendre l'appel.
Une fois le portable à l'oreille, elle ne pipa mot.

- Mais faut lui parler, non? Intervint Limata.

" Chérie, tu es là? "

- Non, je suis pas là.

" Pourquoi tu me fais la gueule? J'ai dit un truc de mauvais peut-être? "

- Non rien.

Le souffle de Mamadou émana de l'orateur.

" Ta sœur est toujours à côté de toi? "

- Oui.

" Tu veux qu'on en parle plus tard alors? "

- Si tu veux.

" D'accord... À plus tard alors. "

Confus, il raccrocha. Il n'arrivait toujours pas à comprendre ce brusque retournement de situation. Il aurait bien mis cela sur le compte des hormones. Mais c'était bien trop tôt, pensait-il. Cela étant dit, le comportement de Bineta ne le confortait que plus dans son désir de la rejoindre: en réalité, il avait juste trouvé l'excuse qu'il cherchait. Et contrairement à son présumé enthousiasme, cela ne lui disait pas tant rien de risquer tous les efforts jusque là consentis, pour atteindre dûment son but. Il réfléchissait alors à un moyen qui lui permettrait de concilier boulot et famille. Il allait trouver, parce qu'il était futé, et parce qu'il avait déjà traversé pire.

Le vendredi s'annonçait bien rempli.