13-Fuis-moi je te suis.

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Réveillé par une envie de se vider, Mamadou dégagea la couette et posa ses pieds sur les carreaux.

Sa vessie se vida comme du sang d'un poulet égorgé. Il chassa l'eau et rejoignit le lit en éteignant la lumière de la douche. Et lorsque son doigt finissait de triturer ses yeux lourds de sommeil, il s'arrêta d'un geste net.

- Tu ne dors pas? Se surprit-il à demander.

Échec et mat!
Il n'avait pas eu le temps de penser que sa bouche avait déjà pris les devants.

Mamadou ne connaissait pas l'insomnie à son épouse. Lorsqu'enfin la fin de soirée montrait le bout de son nez, elle s'évanouissait dans le lit comme un sac de riz. Et là, non seulement elle étaité veillée, mais elle semblait toujours aussi préoccupée. Il ne l'avait jamais vue ainsi, même pas lorsqu'il avait failli la quitter.

- Bineta... Reprit-il face à son absence de réaction. Bineta, qu'est-ce qui ne va pas?

Elle poussa une énorme boule d'air, aligna ses doigts sur ses lèvres, cilla à plusieurs reprises. Semblant vouloir parler, elle finit par refermer sa boîte à insultes avant de tirer la couverture sur sa tête.

Mamadou abandonna aussitôt. Il contourna le lit et s'y installa de nouveau, tel qu'il était avant que ne le prenne cette stupide envie d'uriner. Apparemment, elle était bien plus douée que lui dans le langage des muets. Il referma ses yeux sur son amertume et sa déception. La quantième déjà?

Il essayait de dormir mais n'y arrivait pas. Tantôt sur le dos, tantôt sur le côté, tantôt sur le ventre, il n'avait toujours pas su trouver la position idéale pour reposer son corps.

- Tu vas arrêter de bouger? Sussura-t-elle dans un souffle écrasé.

Il ne put s'empêcher de se retourner, pour s'assurer qu'il n'entendait pas des voix. Et lorsqu'il déposa son regard sur elle, elle avait les paupières rabattues. Aurait-il alluciné?

- Tu vas me regarder comme ça jusqu'à quand?

Sentant toujours un regard au dessus d'elle, elle ouvrit les yeux.

- Tu n'arrêtes pas de bouger. Et ça m'empêche de dormir.

- Non, je ne pense pas.

- Ah non?

- Non. Tu étais éveillée depuis longtemps. À mon réveil, tu l'étais et ça va faire Dieu sait combien d'heures que...

- Près d'une heure. Ça va faire environ une heure que tu te tords dans le lit.

Il soupira et tandis que ses coudes prenaient toujours appui dans le matelas, son pouce gratta son front.

- Bineta, qu'est-ce qui ne va pas?

Elle le fixa longuement, laissa s'évanouir un souffle anéanti.

- Non, l'arrêta-t-il en menotant fermement le poignet de la dame dans sa main.

Madame s'apprêtait à lui tourner le dos.

- Dis-moi... Ce que tu as.

- Ou sinon quoi?

- Ou sinon rien Bineta.

Le regard ensommeillé de Bineta ne flancha guère. Peut-être parce que même ses émotions étaient déjà élimées. Mamadou remit alors son dos et sa nuque dans le lit.

- Nous ne sommes peut-être pas d'accord sur tout. Mais aussi loin que je me souvienne, tu es toujours mon épouse et moi ton époux. Si nous vivons encore sous le même toit, c'est que je tiens toujours à toi. Et quand on tient à quelqu'un Bineta, je crois savoir qu'on a le droit de s'en soucier.

Sur ces mots, il se remit sur le côté, ne laissant plus que son dos aux yeux de la belle ivoirienne. Elle avait attentivement écouté ce discours dont la véracité n'était plus à décrire. Alors elle craqua.

- Et parce que je tiens aussi à toi... Mamadou... Ma... Ma mère est mourante.

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant