22-Un repas beaucoup trop salé.

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Karidja était déjà allée travailler avec sa camarade Mélinda - la fille d'une locataire. Dans la cuisine, Bineta déballait les courses. Cela n'était pas sans lui plaire. Au moins elle était loin de «l'imbécile». Et elle n'avait pas à lui faire face après l'humiliation infligée par sa mère.

- Donc comme ça, apparut cette voix qui la fit sursauter, tu ramènes des garçons à la maison maintenant.

Les gestes de la jeune femme se figèrent tandis qu'elle essayait de digérer cette nouvelle attaque.

- Regarde-moi quand je te parle, hurla-t-elle à voix basse en se saisissant violemment du bras de sa cadette... Écoute-moi bien petite traînée, reprit-elle en balançant son index, si jamais tu me ramènes une grossesse dans cette maison, tu verras de quel bois je me chauffe.

Elle tchipa, ôta Bineta de son chemin et se mit à désemballer les courses.

- Vas chercher un couteau, lui intima-t-elle.

***

Au SEDOR, Mamadou regardait son épouse savourer son plat de frites en faisant de même. Elle avait un foulard noué sur la tête, un foulard qui cachait jusqu'à la naissance de ses cheveux. Il se remémora alors cette drôle de scène qui par le passé, l'avait contrarié autant que l'avait été Bineta.

***

Avec la mère et le père, ils discutaient lorsqu'Idja revint de chez sa camarade.
Au même moment, Bineta commençait à mettre la table. Connue pour sa tendre gentillesse, Idja n'avait pas tardé à accompagner sa sœur pour l'aider à finir.

Tout le monde était désormais installé. Après une prière évangélique à laquelle Mamadou n'avait pas su se refuser, ils avaient déjà le droit de se régaler.

- Bon appétit! Souhaita Idja.

Tout le monde, sauf Bineta - trop occupée à toiser Mamadou - renvoya la politesse à Idja. Puis Mamadou fut le premier à déguster. Il recracha aussitôt dans sa serviette en papier.

- Un soucis? Demanda le père.

Mamadou, ne sachant quoi répondre, jeta un œil perplexe à Bineta. Celle-ci ne put s'empêcher de goûter à son tour. Outrée par cet excès de sel, elle s'obligea à avaler puis jeta à son tour un œil perplexe à Mamadou. Elle ne comprenait pas ce qui avait bien pu arriver. Le riz était parfait quand elle avait goûté plus tôt.

- Bineta. Qu'est ce que c'est que cette bêtise? Gronda la mère. Je te laisse ma cuisine et voilà ce que tu en fais?!

Blessée pour la nième fois, Bineta baissa son regard, tira sur sa chaise et se releva. Tandis qu'elle s'apprêtait à débarasser le plancher, sa mère l'arrêta.

- Et où est-ce que tu comptes aller comme ça? Qui va te nettoyer ton bazar?... Hein?!... Tchip, ramasse-moi tout ça!!

Ce jour-là, Mamadou avait découvert que Bineta n'était pas faite de pierre. Elle savait pleurer. La tête baissée, les larmes aux yeux, elle s'exécutait sans broncher. Et lorsqu'elle parvint à l'assiette de Mamadou, celui-ci déposa une main rassurante sur son poignet.

- Maman, ne soyez pas si dure avec elle. Je suis sûr qu'il y a une bonne explication à tout ceci. N'est-ce pas Bineta?

Pour une fois, elle aurait pu être chaleureuse. Mais au lieu de cela, elle lui arracha son poignet et riposta durement:

- Mêle-toi de tes affaires, je ne t'ai rien demandé.

- Tu vas te taire?! Cria la mère. Espèce d'insolente!

Le père demanda à Idja d'aider sa sœur à débarasser.

- Bonsoiiiir! Lança Salimata en entrant dans la pièce.

Salimata était bien la seule à avoir le teint cacao de son père. Face à cette assemblée étrangement silencieuse, elle reprit.

- J'ai raté un épisode?

- Limata, passe s'il te plaît, lui demanda son père.

- Eh bien... Personne ne veut de moi apparemment.

- Ma fille aînée, Salimata... Je suis vraiment désolé pour cet incident fiston.

- Oh mais il n'y a pas de quoi l'être, riposta la mère. Je lui ai toujours dit comment faire mais cette fille ne m'écoute jamais!

Face à ces parents aux airs déçus, Mamadou était tourmenté. Aurait-elle fait exprès de mettre trop de sel pour lui déplaire? Mais, sa réaction ne concordait pas. Elle aurait dû se réjouir et non pleurer. D'ailleurs elle semblait aussi étonnée que lui. Mais comment serait-elle passée à côté d'une bourde pareille autrement?

***

En relevant sa tête, jusque là baissée, Bineta se rendit compte que son époux la fixait étrangement.

- Quoi?

Il hésita un instant puis se lança.

- Le tchep beaucoup trop salé... C'était ta mère n'est-ce pas?

Cela tombait sous le sens. Ce n'était pas Bineta qui tentait de l'éloigner mais la belle-mère.

- Tu veux vraiment gâcher ce moment?

- ... Désolé.

Il se concentra de nouveau sur son plat. Qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête?

- J'ai goûté, reprit-elle... Elle est venue et elle a goûté aussi... Ensuite, elle m'a remis un faitout comme quoi l'une des locataires le lui avait demandé...

Elle leva enfin son regard vers son époux.

- La mère de Mélinda n'avait jamais rien demandé en fait... Et à mon retour, le riz était déjà renversé dans un autre faitout... Si c'est elle qui a fait ça? Tu n'as qu'à conclure toi-même... Idja n'était pas là et ma grande-sœur n'était pas encore rentrée. Papa était avec toi au salon. Alors, sauf si tu l'as fait...

- Tu es la meilleure cuisinière ma chérie... Bien entendu, ma mère garde sa première place.

- Tu me cherches, ou bien?

Très vite, ce sujet mena à une série de rigolades.

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant