61- Un secret gardé trop longtemps.

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Salimata rentrait déjà chez elle, auprès de son époux.

Bineta avait eu droit à un repas guidé, administré par son cher époux.
Il lui avait même fait le petit avion. Le fameux avion-cuillère plein de bouillie, qui atterrissait sur langue-land; un jeu auquel elle n'avait pas eu droit dans sa tendre enfance. Mamadou ne le savait pas, mais ce geste était comme un couteau pour poignarder la plaie en voie de cicatrisation. Elle n'y avait cependant pas réagi.

Elle était assise contre son oreiller, Mamadou allongé à ses côtés: ils papotaient, rigolaient.
Salimata toqua et il éternua. Mais il trouva quand bien même la force de répondre à leur visiteuse.

– Ouvert!

L'aînée entra aussitôt et il se dressa dans le lit. Elle s'y glissa et lui vola quasiment sa place. Désormais assise auprès de sa petite-sœur, elle l'enroba de ses bras.

– Ça y est, je rentre.

– Passe le bonsoir à ton mari.

– Ça va aller?

– Comment ça pourrait ne pas? Je suis bien entourée, répondit-elle en zieutant son époux et en pensant à sa petite-sœur.

– Tu as raison.

Elles s'embrassèrent sur la joue.

– Bonne nuit, petite rebelle.

– Bonne nuit han nan'w¹.

Sali débarassa le lit en traînant Mamadou par la main. Bineta leva ses pupilles vers le plafond: sa sœur allait étaler son long discours protecteur.
Le mari suivit sa belle-sœur sans protester, rabattut suffisamment la porte pour que Bineta n'y voit plus rien. Il coinça son épaule dans le coin de la porte et croisa ses bras. Salimata parlait à voix basse.

– J'aurais aimé rester mais Nicolas n'est pas aussi patient que toi.

– Tu ne devrais pas nous comparer.

– Je dis juste qu'il devrait comprendre que ma place est auprès de mes sœurs en ce moment.

– Comprends le, c'est difficile de se passer de sa femme, a fortiori, si elle est aussi belle que toi.

– Tu veux dire que Bineta n'est pas belle?

– Oh si, loin devant toi. Entre elle et toi, il n'y a pas match belle-sœur.

– Tchiiiip.

– Cela dit, tout le monde n'est pas pareil. Et puis, vous êtes dans la même ville. Bineta et moi, c'était même pas dans le même pays. Tu pourrais juste aller et revenir, pour ne pénaliser personne.

Et même si Mamadou jouait les avocats du diable, il était du même avis que Salimata. Son mari devrait être moins dur et bien plus compréhensif. Ce n'était pas parce qu'elle gardait la tête haute qu'elle n'avait pas droit à la chaleur familiale comme ses autres sœurs. Il lui aurait bien proposé d'intervenir en sa faveur. Mais Nicolas et lui n'étaient pas amis, juste deux beaux-frères de la famille Adou qui s'entendaient bien. Mamadou n'avait jamais aimé s'imiscer dans les bagages d'autrui, les siens lui pesaient déjà assez sur les épaules.

Salimata glissa un œil discret dans la petite ouverture de la porte. Bineta massacrait ses gyrus moteurs pour manipuler son mobile de la main droite. Cela semblait d'ailleurs lui donner une bonne raison d'afficher sa denture beige crème: l'un de ces médias rigolos postés sur les réseaux sociaux.

– Vas-y doucement avec elle quand-même, revint-elle à Mamadou.

– Ça, c'est à elle d'en décider. Répondit-il sur un ton prohibé, armé d'un regard illicite.

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant