«Tu es belle, même avec des cernes»
Des minutes et des secondes comblées de larmes. Un espoir de calme après la tempête s'installa. Ne sentant plus les secousses contre son corps, Mamadou se redressa et l'aida à se redresser à son tour.
– On va prendre un bain... Oui?
Elle acquiesca sans mot dire. Mais les sanglots les plus têtus retaillèrent à nouveau son portrait.
– Je voudrais tellement qu'il soit encore là... Je voudrais...
– Chuuut.
Il les découvrit tous les deux, en tirant sur la couette, posa ses pieds hors du lit. Et sans crier gare, il jucha son épouse à hauteur de son tronc. Sans s'arrêter de pleurer, elle renforça ses membres autour du cou de son homme.
Toute la matinée durant.
Elle avait retrouvé un semblant de sérénité: entre le ménage et la cuisine. Ces activités semblaient la faire évader.
Il voyait amplement qu'elle n'était pas vraiment heureuse mais que pouvait-il bien y faire? L'arrêter ne l'aurait pas aidée. Mais plus elle allait, plus elle semblait s'enfermer dans sa douleur, décidée à ne plus jamais succomber.Quelle tâche n'avait-elle pas accompli en ce jour là? Balayer? Détruire les nids d'araignées qui n'existaient pas? Passer la serpillière sur les carreaux étincelants? Épousseter les meubles non poussiéreux? Nettoyer les nacos propres? Faire la lessive? Faire la vaisselle? Faire la cuisine?...
– Bineta, ça suffit. Ordonna-t-il au moment où elle s'apprêtait à se rendre pour la xième fois dans la cour.
Il l'avait regardée défiler toute la journée durant, et là, c'était devenu trop.
Elle se retourna, les yeux cernés. Elle n'avait même pas fait son habituelle sieste, n'avait pas cessé de s'inventer encore et encore des tâches pour ne plus penser. Il la comprenait mais cela devait cesser. Se priver de sommeil et de repos n'allait pas arranger la situation.
Il posa la télécommande sur la table basse, quitta le divan et se dirigea vers sa belle dame.
Il glissa deux mains confortantes sous celles de Bineta. Arrêtée devant la porte qui donnait sur le fond noir de la cour enveloppée dans les étoiles, elle laissa ses muscles se détendre avant même que Mamadou ne le lui demande.
– Détends-toi chérie, d'accord?... Te torturer, ne va pas résoudre le problème.
Elle savait qu'il avait raison. Mais alors comment devait-elle procéder pour ne plus avoir mal? Y avait-il une intervention chirurgicale pour lui ôter toute cette souffrance du cœur, de l'âme et de l'esprit? Elle serait prête à se coucher sur la table, quitte à y laisser sa vie. Mais il n'y en avait pas. Elle devait vivre éternellement avec ce mal qui lui rongeait sa joie de vivre.
Ils se fixaient tous les deux dans le blanc des yeux, lorsqu'une sonnerie fit vibrer la table émeraude. Il y jeta un œil rapide puis revint à son épouse.
– Viens, dit-il.
Il la traîna derrière lui, par le poignet, les fit asseoir tous les deux dans le sofa dont il s'était levé. Il récupéra l'appareil bruyant sur la table et elle déposa sa tête dans le creu de son épaule.
Heureusement d'ailleurs, car lorsqu'il vérifia qui appelait, une ficelle de décharge le traversa. Ne pouvant plus se débarasser de sa femme, il hésita puis raccrocha. Il voulait juste la protéger. Elle en avait déjà assez sur les épaules.– Tu ne décroches pas?
– Non... C'était... Marcus. Je lui avais demandé de biper pour me rappeler un truc à propos du boulot.
– D'accord.
– J'aime pas comme tu es.
Elle s'écarta de lui, comme si la triste mine qu'elle affichait allait le réconforter.
– Tu souffres, et je déteste ça.
– Ça va aller, répondit-elle sans le penser.
– Peut-être bien. Mais en attendant, ça ne va pas... Et je déteste ça.
Le transfert était à cent pour cent de son téléchargement. Le mariage n'est-il pas un lieu de partage absolu? Pour le meilleur et pour le pire?
Il avait lutté, s'était débattu pour ne pas perdre pied, pour ne pas se laisser embarquer par les sentiments de son épouse. Mais il avait fini par lâcher prise, parce qu'elle ne lui avait pas facilité la tâche, parce qu'il se sentait perdre la femme qu'il avait épousée, parce qu'il ne savait plus comment mettre fin à ce mal qui désormais les consumait tous les deux. Les choses n'auraient-elles pas été plus simples si depuis le début elle s'était entièrement ouverte à lui?
Ils se regardaient tous les deux, se demandant comment se consoler mutuellement. Mais la réponse ne leur parvint jamais. Le silence étouffa la pièce, les feuilles d'arbre se heurtèrent et le chien aboya. Elle retira ses tapettes, remonta ses pieds dans le fauteuil et entoura la taille de son mari. Son visage se laissa tomber entre le cou et l'épaule de Mamadou.
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Mamadou & Bineta 🖤
RomanceAprès deux ans de full love sur le sol sénégalais, le mariage de Mamadou & Bineta ne bat plus que d'une aile. Derrière ses airs de femme téméraire et insoumise, Bineta cache des blessures que même son mari ne suspectait. Mais lorsqu'un soir, elle re...