36-Le pardon, n'ont-ils que ce mot à la bouche?

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Il manquait quelque chose à ce salon. Il lui manquait de la vie, l'animation dont il faisait l'objet tous les soirs. Bineta et son père se disputant à propos de la télécommande, de la chaîne qui devait être captée et maintenue. Comment auraient-ils pu s'entendre? La petite demoiselle se plaisait dans les séries télévisées et le basketball alors que papa préférait les matchs de football. S'il y avait un terrain d'entente, c'était bien le journal du soir. Après, c'était la guerre télécommandée.

Assise à même le sol froid, Karidja avait déposé sa tête sur les cuisses de son aînée reposant dans un fauteuil, comme au bon vieux temps, lorsque la plus jeune avait besoin de réconfort. Sa grande-sœur pouvait la gronder, la sermonner, menacer de la «régler» sans jamais tenter quoi que ce soit, mais elle ne tolèrerait jamais que quiconque fasse du mal à son «poussin». Fier de sa femme, Mamadou se leva.

– Je vais monter la valise les filles. Je vous laisse un moment.

Il adressa un heureux sourire à Bineta avant de s'engager dans les marches.

– Tu es devenue une femme magnifique.

– Mais pas aussi belle que toi grande-sœur.

– Qui te le dit? Regarde un peu ta peau, douce comme le miel. Et ton visage, tes traits fins.

– Ma peau n'est pas aussi souple que la tienne, regarde, protesta-t-elle en effleurant l'avant-bras de Bineta. Tu as cinq ans de plus que moi, tu es mariée depuis plus de deux ans et pourtant ta peau est encore plus belle que la mienne.

– Tu n'as pas changé, n'est-ce pas? Têtue comme tout.

– Il faut croire que je tiens de toi.

– Eh... Ce n'est pas parce que tu as vingt ans que je ne peux plus te taper dè.

Les deux sœurs s'esclaffèrent, puis reprit la discussion.

– Et... Limata?

– Elle va bien oh. Elle passe à la maison tous les jours et elle reste avec nous les week-ends... Même son mari vient de temps en temps avec elle.

– Et toi?

– Moi? Moi quoi grande-sœur?

– Ton petit-ami là, Adam.

– Hum... Ça fait déjà un an que c'est fini.

Hayi¹, et pourquoi?

La moins vielle releva sa tête, réajusta les deux pans de son foulard en taffetas avant de répondre à cette lourde question.

– Il me demandait des choses que je n'étais pas prête à lui donner.

Elle n'avait nullement besoin d'aller dans les détails. Bineta avait déjà cerné le contenu de ces «choses».

– Je suis fière de toi petite-sœur.

– Parce que j'ai réussi à faire fuir le seul homme que j'aimais?

Un rire amusé échappa à Bineta.

– Écoute-moi bien petite fille. L'homme là, quel qu'il soit, quel que soit ce qu'il te raconte, s'il veut te quitter juste parce que tu refuses de donner, c'est qu'il ne t'aime pas vraiment.

– Tchiii, han'anw², toi aussi.

– Aanh? Moi aussi non? D'accord. Si tu as trouvé n'importe quel mec là, faut tout donner seulement, tu as compris? Donne.

Hayi, tu es fâchée?

– Qui est fâchée? Moi je ne suis pas fâchée oh. Mais comme vous les enfants d'aujourd'hui là, on vous parle pas et puis vous écoutez là, il faut faire ce que tu veux seulement. Donne tout. Tu as compris?

Mamadou & Bineta 🖤Où les histoires vivent. Découvrez maintenant