Ceci fait, Ren et moi pûmes rejoindre toute notre petite troupe d'élite. On ne s'attarda pas sur le Garuda. Sans prendre la peine de nous congratuler, nous appontâmes l'Elbereth, que Dea avait amené dans le système de Solaris sur les ordres de Ren. Nous montâmes tous dedans, et, d'un rapide saut gravitationnel, quittâmes plan matériel et système solaire, mettant le plus de distance possible entre nous et les humains.
Les forces conjointes des ældiens détruisirent entièrement la base du SVGARD de Lukor, avant de repartir dans le Dédale d'un saut expéditif. Singh n'appela pas aux représailles, fermant les yeux sur les pertes – principalement des Astra Leo sous les ordres du nouveau gouverneur de Nuniel, dont la disparition mystérieuse avait motivé leur implication. Des dommages collatéraux, en somme. Il considérait que nos comptes avaient été remis à zéro : officiellement, le terroriste Tiger Sibricher avait été exécuté, et sa femme avait peut-être (ou peut-être pas) péri dans l'assaut donné par les terroristes ældiens pour venger la mort de leur « chef ». Quant à cet exo de race non précisée qui reçut un numéro de citoyen, Arwaën Rilynurden, et son épouse (nom de jeune fille, Rika Srsen), c'était deux autres personnes inconnues, sans lien de parenté avec les précédents.
Enfin. Ça, c'était la version de Singh. Pas la mienne. Mais de la coexistence des deux, il s'accommoda.
J'attendis d'être sur l'Elbereth pour me jeter, enfin, dans les bras de mon mari.
— J'ai eu si peur ! lui murmurai-je en tendant les mains pour les passer autour de sa nuque.
Il me souleva dans ses bras puissants et me porta à sa hauteur, enfouissant son visage dans mon cou.
Nínim et Cerin sautèrent à côté, demandant également à monter dans ses bras. Ren les prit de son bras gauche, tout en continuant à me tenir contre lui du droit. Après les avoir embrassés, il chercha du regard son petit dernier.
— Où est Caëlurín ? demanda-t-il.
— Il est là, avec nous. Caëlurín ! Viens dire bonjour à ton père.
Mais Caëlurín, buté, resta dans l'encadrement de la porte, avec Lathelennil. Ce dernier le pris dans ses bras et nous l'amena, regardant mon compagnon avec un sourire bizarre.
— Je te remercie d'avoir protégé ma famille pendant ce si grand péril, fit Ren en lui rendant son regard.
— C'est normal, répondit Lathelennil, grand seigneur. Je te devais bien cela. Nous te le devons tous.
Ren le considéra en silence, ne sachant pas – comme moi, souvent – sur quel pied danser avec Lathé. Puis il accepta le petit qu'on lui tendait. Du reste, Caëlurín ne resta pas récalcitrant plus longtemps : dès qu'il fut dans les bras de son père, il se lova contre lui et respira son odeur à pleins poumons.
— Papa ! hurla-t-il avant de fondre en larmes, sous le regard légèrement étonné de Ren.
— On dirait que son père lui manque, observa Lathelennil de sa sombre voix, les bras croisés étroitement contre son giron. S'il se trouve séparé de toi une troisième fois... Je ne sais pas si son petit cœur de perædhënnel y résistera.
Ren me regarda, l'air d'attendre une explication.
— Il semblerait que Caëlurín a beaucoup souffert de notre séparation, après la Nouvelle Arkonna, lui appris-je. Il était encore très jeune, un bébé, habitué à être toujours avec ses deux parents... Et puis, il était tout seul, sans ses frères et sœurs. Du coup, sur Nuniel, il a fait une sorte de... rejet. Heureusement que Lathé était là. Caëlurín l'aime beaucoup, je crois.
Très sensible, Caëlurín s'était également mis au diapason des sentiments qui avaient été les miens sur le Ráith Mebd, lorsque je m'étais crue rejetée par Ren. Il avait perçu ma détresse et elle l'avait atteint, quelque part. C'est pour cela qu'il avait autant investi en Lathelennil, sur Nuniel.
Ren tourna la tête vers le dorśari.
— Encore une fois, merci de t'être occupé de mes enfants. Tu n'étais pas obligé.
Lathelennil sourit plus largement.
— Encore une fois, c'est tout à fait normal, Silivren. Mon épée – et plus encore – est au service de ta Dame. Je suis son obligé. Maintenant, si vous me le permettez... Je vais me retirer et vous laisser profiter de vos retrouvailles en toute intimité.
Le tout avait été dit avec une ironie que j'espérais être la seule à comprendre. Avec un dernier salut – pas trop bas – et un dernier regard à mon attention – pas trop rapide – Lathelennil quitta les lieux. Je me retrouvai seule avec Ren.
— Heureusement que Lathelennil a pris soin de vous, dit-il doucement. Les Niśven sont ce qu'ils sont, mais ils n'ont qu'une parole : on peut compter sur eux pour respecter un serment.
Je détournai le regard, embarrassée.
— Ren... Il faut que je te dise...
Mon compagnon m'embrassa doucement le front.
— Ne dis rien, aimée. Je me réjouis de l'arrivée de cette portée : c'est un évènement heureux qui me comble de joie, surtout après avoir assisté à la mort de tant des nôtres sur le Mebd. Les personnes comme toi me redonnent de l'espoir, Rika. Merci d'avoir fait ce sacrifice pour que vivent nos enfants.
Une fois de plus, mes yeux s'embuèrent devant tant de gentillesse et de largesse d'âme. Comme aurait dit Lathelennil, c'était « écœurant ». Mais Ren avait accepté et la trahison du dorśari – en décidant de la prendre, au contraire, comme une aide chevaleresque qu'il m'avait apportée – et les éventuels petits de lui qui sortiraient de mon ventre. Tant de générosité dans le cœur d'une seule créature... Ren était trop pur pour ce monde, vraiment.
Angraema et Círdan restèrent une journée de plus sur l'Elbereth. Au moment de repartir, Angraema emmena Círdan sous l'arbre-lige du bord de son père et lui fit le serment de ne connaître aucun autre mâle jusqu'à ce qu'il lui revienne, Círdan devant obéir aux injonctions de l'Amadán et repartir passer les épreuves.
— Je sais que tu triompheras, lui dit Angraema en l'embrassant. Lorsque tu me reviendras, j'aurais pour compagnon un fier filidh.
Lorsque tout le monde fut reparti, Ren et moi restâmes seuls sur notre bord, avec Elbereth et Dea. À la question « où va-t-on, maintenant ? », Ren et moi échangeâmes un regard.
— Il y a cette petite planète terraformée pas loin de la Bordure dont on m'a parlé, Pangu... annonçai-je à Ren. Un endroit tranquille et sauvage où on pourra se bâtir une maison, planter le riz dans nos cales, relâcher nos pensionnaires et élever nos enfants à l'abri des guerres et des conflits.
— Je n'aurais pas dit mieux, sourit-il avant de venir m'embrasser.
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LA CHAIR ET LE METAL T2 (Ne m'oublie pas)
Ciencia Ficción"Lle naa vanimë. Tu es mienne." Pour lui, je suis sa chose : une captive, une esclave. Qu'il traite mieux que les autres, qui a le droit à certains égards. Qu'il subjugue avec ce pouvoir d'attraction incroyable propre aux ældiens, qui fait perdre la...